Les Mains d’Elsa

Le Fou d’Elsa  

Chapitre I    /    Chants du Medjnoûn

♦  Les Mains d’Elsa

Donne-moi tes mains pour l’inquiétude
Donne-moi tes mains dont j’ai tant rêvé
Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon propre piège
De paume et de peur de hâte et d’émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fuit de partout dans mes mains à moi

Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet des sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu

Donne-moi tes mains que mon cœur s’y forme
S’y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement

Lexique et notes

Medjnoûn : arabe, fou, possédé.
Surnom de l’Amirite Kéïs an-Nadjdî, poète préislamique bédouin, et personnage de divers poèmes (Nîzâmî, Djami, etc.) portant le titre Medjnoûn et Leïlâ.
Dans ce poème-ci, surnom donné au Fou de Grenade, Keïs Ibn an-Nadjdî, appelé le Fou d’Elsa.

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