Du 2 avril au 28 mai 1871, la guerre civile sous les yeux des Prussiens

    8 juillet 2011 – Il y a  140 ans…               

Dans sa dépêche officielle du 1er avril 1871, expédiée à tous les préfets, Adolphe Thiers annonçait que « l’Assemblée nationale, serrée autour du gouvernement, siège paisiblement à Versailles, où s’achève de s’organiser une des plus belles armées que la France ait possédées. »

Quel orgueil pour Adolphe  Thiers que cette  « belle armée » de 130 000 hommes, grâce aux bons soins de Bismarck qui a libéré les prisonniers français, et sous le commandement en chef du maréchal de Mac-Mahon, le vaincu de Woerth, de Reischoffen, de Froeschwiller et de Sedan !
Après la guerre désastreuse de 1870 menée par un empereur et des militaires capitulards, un armistice qui arrache à la France l’Alsace et la Lorraine, les Prussiens sont les meilleurs ennemis de la classe possédante française, des industriels et de la bourgeoisie d’affaires, puisqu’ils vont leur  permettre  une saignée radicale des forces vives républicaines, des militants syndicaux et des affiliés à La Première Internationale des travailleurs.

Adolphe Thiers annonce paisiblement  la guerre civile. La « belle armée  » versaillaise  est en ordre de guerre contre les Communards, contre ces géniaux  précurseurs, contre  ceux qui se battaient déjà en juin 1848 pour une République sociale, juste, laïque et fraternelle.  Ce sera la guerre contre  la Garde nationale, contre le peuple parisien qui, le 18 mars 1871  avaient vaincu le général Vinoy et gardé  les canons  à Montmartre – les Lignards fraternisant avec les Fédérés- .

          Dès le 2 avril 1871,  les canons de  Thiers tonnèrent. Edmond de Goncourt nota dans son Journal : « Dieu merci (sic) ! La guerre civile est commencée ». Au rond-point des Bergères, à Puteaux, on fusilla les Fédérés prisonniers, après leur avoir promis la vie sauve.
Le lendemain,  le général Duval et 1500 Fédérés furent pris en tenaille à la redoute du plateau de Châtillon. Sur la route du Petit-Bicêtre, le général Vinoy entouré de son état-major questionna les prisonniers pour connaître leur chef : « C’est moi ! Général Duval ! » – « Qu’on le fusille ! » hurla Vinoy. Son chef d’état-major et son aide de camp s’étant désignés, ils moururent ensemble aux cris de « Vive la République ! Vive la Commune ! »*

Le général Flourens et un dernier groupe de gardes nationaux « après avoir par deux fois porté secours à Bergeret pour protéger sa retraite » furent encerclés par les Versaillais entre Rueil et Chatou. «  Le capitaine de gendarmerie Desmarets demanda : «  C’est vous Flourens   ?  – Oui –  C’est vous qui avez blessé mes gendarmes ? – Non   – Menteur ! et se dressant sur ses étriers, il lui fendit le crâne d’un seul coup de sabre… et repartit au galop. Le cadavre fut jeté sur un tombereau de fumier et conduit à Versailles. »*
Ce n’est qu’un mois plus tard, le 5 mai 1871, que le maréchal de Mac-Mahon, dans une lettre confidentielle adressée au général de Cissey, commandant le 2ème corps d’armée, rappella le droit des prisonniers de guerre. Il prenait soin cependant d’exiger que « ces prescriptions confidentielles ne soient point mises à l’ordre. » tant il était implicite qu’il s’agissait d’une guerre impitoyable.

Le 6 avril 1871, «  la capitale est  entièrement encerclée  : Les Prussiens… de la Marne à Saint-Denis et tenant tous les forts à l’est – les Versaillais bouclant la ville au nord, au sud et à l’ouest, de Saint-Denis à Villeneuve-Saint-Georges.»*
Mac-Mahon fait acheminer 300 canons lourds et 250 000 obus de gros calibre. « 140 000 projectiles seront utilisés pour assurer la progression des troupes jusqu’aux remparts.»*
En face de l’armée versaillaise, les bataillons fédérés de Jaroslaw Dombrowski résistèrent trois semaines, sans recevoir les renforts nécessaires d’artillerie.
A partir du 25 avril, 80 canons versaillais pilonnèrent les forts de Vanves et d’Issy -le 8 mai, les Fédérés abandonnaient le Fort d’Issy, tandis que le Fort de Vanves tenait avec Wroblewski jusqu’au 14 mai.
Puis les portes de La Muette, d’Auteuil et de Saint-Cloud furent sous le feu des canons, toutefois les Fédérés arrivèrent encore à se maintenir jusqu’au 20 mai .

           Le dimanche 21 mai 1871, Mac-Mahon au Mont- Valérien, « observant à la lunette, la porte de Saint-Cloud, put apercevoir « des pantalons rouges »  sur le glacis des fortifications »*. Les Lignards entrèrent dans Paris avec pour unique mot d’ordre « pas de quartier». Ce sera la Semaine sanglante.
La férocité de l’armée de Thiers et de Mac-Mahon fit de la bataille de rue une résistance aussi acharnée que désespérée.
Les barricades érigées dans la précipitation étaient la preuve que l’on voulait défendre, jusqu’à la mort la Commune, « pour ce qu’elle représentait en tant qu’avenir, en tant que potentialité de fraternité humaine et de justice sociale.»*

           L’État-major versaillais s’installa le 23 mai sur la Butte Montmartre, et les massacres de masse commencèrent : « hommes, femmes, enfants « ramassés eu hasard », dans le cimetière Montmartre, aux Batignolles, au Parc Monceau, et se poursuivront les jours suivants à un rythme soutenu.»*  Dans la soirée du 23 mai, l’armée versaillaise tient la moitié de Paris.

              Le 24 mai, des Fédérés défendent avec Brunel la barricade de la porte Saint-Denis et celle de la rue Chabrol. Sur la rive gauche, Fédérés et civils ont aussi deux braves à leur tête :  Eugène Varlin et Maxime Lisbonne, mais le secteur du Panthéon est à son tour perdu. Les massacres continuent :  chaque passant était suspect, ressemblait à un membre de la Commune, avait les cheveux gris donc avait été  insurgé en 1848, ou bien c’était « une femme  mal vêtue ou aux effets en désordre, donc une pétroleuse ;   à chaque fois, c’était un arrêt de mort »*…

         
    Le 25 mai, les Versaillais, avec les canons de Montmartre couvrent d’obus les quartiers de La Chapelle, La Villette et les Buttes- Chaumont. Ce jour-là, un gamin de Paris, sur une barricade du Faubourg du Temple entra dans la légende. ** Partout le carnage continue.

               Le 26 mai, six heures durant, la Place de la Bastille résiste et ne tombe qu’à deux heures de l’après-midi. Pour ajouter encore de l’ignoble à la boucherie, Mac-Mahon demande à la troupe  des 5000 Bavarois d’arrêter les fugitifs.

                Le 27 mai,  les Buttes-Chaumont sont prises. Les exécutions se succèdent dans les carrières d’Amérique.
« Deux cents Fédérés se  sont enfermés au Père- Lachaise.  L’artillerie versaillaise pilonne le cimetière parisien pour faire taire les canons de la Commune. Aux environs de six heures, la grande porte du cimetière cède sous un obus. Cette nuit-là, 157 Fédérés seront poussés vers le mur du cimetière et abattus »*.
Et ce sera le repli sur Belleville pour les Communards avec RanvierVarlin JourdeFerré – et Trinquet, autour de la mairie du XX ème,« dernière citadelle de la Commune ». A cinq heures du matin, le  28 mai 1871, les Versaillais occupent la barricade de la rue Rebéval et à huit heures la mairie est occupée.*

   Ce dimanche de Pentecôte fut, par la grâce du très catholique maréchal de Mac-Mahon, un jour béni pour  les massacreurs :      300 tués à La  Madeleine – 800 au Panthéon ; on tue dans les ambulances les blessés, les médecins qui les soignent, une mère allaitant son enfant … *

            Eugène Varlin s’était battu jusqu’au bout à Belleville. Épuisé, vers le milieu de l’après-midi,  il s’est assis sur un banc, rue La Fayette. Un prêtre, à la terrasse d’un café, le reconnaît et le signale au lieutenant Sicre qui le conduit « après lui avoir fait lier solidement les mains derrière le dos avec une courroie, sous bonne escorte,  au général de Laveaucoupet, aux buttes Montmartre.» ***
Varlin reçoit les crachats de la foule, les coups de crosse et de baïonnette des Lignards sans broncher. « Sous la grêle des coups, sa jeune tête méditative qui n’avait jamais eu que des pensées fraternelles devint un hâchis de chairs, l’œil droit pendant hors de l’orbite.»
On adosse Varlin contre un mur à un angle de la rue de la Bonne et de la rue des Rosiers. « Le condamné se tenait très droit. Toute son attitude était celle d’un homme brave. Il crie : «Vive la Commune !   Vive la République ! » Les soldats ne sont qu’à trois ou quatre pas de Varlin. Les deux fusils ratent. Ils rechargent leurs armes et tirent une seconde fois. Varlin lance son dernier « Vive la Commune ! »  On n’entend pas la dernière syllabe, il fléchit et tombe.»****
Quant au lieutenant Sicre, il fit les poches du mort et lui vola sa montre en argent, offerte par les ouvriers relieurs de Paris – après la grève d’août 1864 – et gravée par son ami Antoine Bourdon « A Eugène Varlin, souvenir de ses camarades».

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                                         Épilogue

Le lundi 29 mai 1871, Adolphe Thiers écrit sa lettre aux préfets  :

 Le sol est jonché de leurs cadavres. Ce spectacle affreux servira de leçon ».    

Il assista en l’église Saint-Louis, avec les membres de l’Assemblée de Versailles, devant les généraux en grand uniforme, à l’homélie haineuse de l’évêque Mabille qui le bénit pour son courage (sic).*

Adolphe Thiers passa l’après-midi à Paris avec Mac-Mahon. Ces deux vieillards sanglants deviendront les deux premiers présidents de la Troisième République.

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* La grande histoire de la Commune Georges Soria  Édition du centenaire 1871-1971 / Robert Laffont pour le Livre Club Diderot

** Poème de Victor Hugo Juin 1871 

*** Rapport de Sicre au colonel du 67 ème de ligne
**** Témoignage du général Percin, alors capitaine d’artillerie dont la batterie était sur la butte Montmartre. Cité par Lissagaray

Eugène Varlin Militant ouvrier, révolutionnaire et Communard Jean Bruhat / Éditeurs Français Réunis pour le Livre Club Diderot

En mémoire d’Edouard et de Suzanne Tremblay

18 novembre 2010  ♠  le 22 juillet 2018

En mémoire de Michel et de Mélinée Manouchian
Note complétée par la dernière lettre du 21 février 1944, d’un autre grand résistant, Missak /Michel Manouchian, poète arménien, à sa femme Mélinée.

                      

En mémoire d’Édouard Tremblay, résistant communiste, né à Vitry-sur-Seine (1), décapité par les nazis à  Brandenburg, le 1er octobre 1944, et en mémoire de Suzanne (2) (sa Suzon) ;  voilà sa dernière lettre à Suzanne, qu’elle avait retranscrite et qu’elle nous avait confiée :

      

Brandenburg, le 1.10.44 à 11h30

Ma petite femme chérie,

A l’instant j’apprends que mon recours en grâce est refusé et que l’exécution a lieu dans une heure (12h30) j’en profite pour succinctement, chère petite femme, t’écrire encore quelques lignes, ainsi qu’aux parents.

Chère petite Suzon pardonne-moi et surtout sois courageuse, tiens la tête haute. Surtout mon petit, n’oublie pas de rester près de mes parents leur aimante et tendre petite fille et aide-les à supporter cette nouvelle et dernière souffrance que je leur inflige. Suzon chérie, notre union aura été un acte insensé, car je n’ai pu tenir mes promesses et te rendre heureuse comme tu le méritais, et depuis 4 ans 1/2 ne t’ai apporté que des tracas et douleurs. Pourtant, chère petite compagne, sois certaine que les courts instants que tu m’as apportés m’auront aidé à supporter les pénibles événements de ces dernières années.

Chérie, ma dernière volonté, sois heureuse et rends heureux un brave type. Ne vois en moi qu’un bon copain et je te conjure d’oublier que les lois nous ont unis. Tu es encore jeune et ton devoir est de refaire ta vie et en pensant à moi comme bon camarade exclusivement. En souvenir de moi, ton premier nomme-le Édouard.

Chérie, pardon, pardon, meilleurs tendresses de ton Edouard qui t’aura été fidèle jusqu’à la mort.

PS Embrasse maman T…, frères, sœurs, neveu, A…, parents et amis. Je me dépêche car il est midi, la soupe est arrivée et pour la dernière fois je vais fumer les 2 cigarettes du condamné.

Adieu Chérie, courage et tête haute.

Encore quelques minutes, chérie, le moral se maintient et je n’appréhende nullement l’instant fatal. Chérie, ton pardon ne me suffit pas, donne-moi l’assurance que tu oublieras le vilain mari que j’ai si peu été pout toi, ne vois qu’un bon compagnon aimant trop les hommes, la justice et l’égalité. Chérie, j’aurais fait un piètre mari et souvent malgré moi j’aurais peut-être froissé ta sensibilité, ta tendre nature et malgré moi peut-être tu aurais été malheureuse, bien que sans te plaindre tu aurais supporté ton calvaire. Adieu chérie, sois courageuse, pour moi, pour maman, pour papa. Adieu petite poupée, dans quelques minutes mes souffrances auront cessé et je ne veux pas que tu sois malheureuse. Je t’aime trop, notre rêve était irréalisable, car trop beau, trop grand.
A toi pour toujours

Édouard

Adieu maman T…, pardon. Adieu m’man B….  , consolez ma Suzon. »
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1 Une rue de Vitry dans le Val-de-Marne porte son nom.
2  Suzanne était notre amie. Fille de réfugiés républicains espagnols, elle a vécu à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ; elle s’était remariée avec Charles  et elle  n’a pas eu d’enfant.
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Frère de combat, voilà la lettre de Michel Manouchian (3)

« 21 Février 1944, Fresnes.

Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien aimée,

(…) je meurs à deux doigts de la victoire et du but.
Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.
Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand (…)
Bonheur ! à tous ! J’ai un regret profond de ne pas t’avoir rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et avoir un enfant pour mon honneur et pour accomplir ma dernière volonté, marie toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse (…)
Tu apporteras mes souvenirs, si possible, à mes parents en Arménie. Je mourrai avec 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine. Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant au soleil et à la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie (…)
Manouchian Michel. »

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3 M. Manouchian était
commissaire militaire des Francs-tireurs et partisans-Main d’œuvre immigrée /FTP-MOI. Il fut fusillé au Mont Valérien, le 21 février 1944, avec les camarades de son groupe.

Louis Aragon reprit la lettre de Manouchian pour écrire fin 1951, le poème « Strophes pour se souvenir », qui sera publié  dans le recueil « Le Roman inachevé », paru en 1956.
Léo Ferré le met en musique ; ce sera « L’Affiche rouge » enregistrée en janvier 1961.
(Source Wikipédia)

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Le fallbeil ou guillotine nazie                                                               le fallbeil, guillotine allemande, utilisée par les nazis pour améliorer le « rendement ». ______________________________________________

Patrice Lumumba, un héros congolais

22   juillet   2010

1960 – 2010   

Comment en cette année du cinquantenaire des Indépendances africaines ne pas se souvenir de Patrice Lumumba, jeune Premier Ministre de la République du Congo du 24 juin au 14 septembre 1960, et qui fut tué au Katanga  le 17 janvier 1961 ?

Dans la dernière lettre (1) qu’il écrivit à sa femme Pauline avant de mourir, ses pensées vont tout autant à sa famille qu’à son pays :

«  Tu ne raconteras pas tout aux enfants,  n’est-ce-pas ? Ils ne comprendraient pas. Tu leur diras simplement que j’étais arrivé cinquante ans trop tôt. Tu leur diras que ce que nous voulions pour notre pays, d’autres ne l’ont pas voulu.

Ma chère Pauline, lorsque ces mots te parviendront, je ne serai plus en vie. Tu diras à nos enfants que l’avenir du Congo est beau et qu’il attend d’eux la reconstruction de notre dignité. Tu leur diras que tout au long de notre lutte, jamais je n’ai douté un seul instant du triomphe de la cause pour laquelle mes compagnons (2) et moi avons donné notre vie.

Ne me pleure pas, ma compagne, moi je sais que l’Histoire dira un jour son mot et que ce ne sera pas l’Histoire écrite à Bruxelles, Paris ou Washington, ce sera la nôtre, celle d’une nouvelle Afrique. Et ce jour-là (3)  … 

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1 Transcription de la dernière scène du film Lumumba de Raoul Peck  (Quinzaine des réalisateurs Cannes 2000/ Eriq Ebouaney / Lumumba – Alex Descas /Mobutu / DVD.
On peut voir et/ou revoir le film sur TV5 Monde mardi 27 juillet à 14h  / jeudi 5 août à 0h55.

2  Maurice Mpolo et Joseph Okito.

3 On entend alors un chant magnifique… qui accompagne ensuite tout le générique de fin ; musique composée et dirigée par Jean-Claude Petit (Éditions Pema Music).

Entendre aussi un extrait du  discours du 30 juin 1960 du Premier Ministre Patrice Lumumba.
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NB le scénario du film reste flou sur l’implication décisive de la CIA . L’autre version de la  mort de Patrice Lumumba poignardé après tortures par Moïse Tschombé  n’a pas été retenue.
Cf. source Wikipédia 
Voir aussi des extraits du film documentaire de Thomas Giefer et Michel Noll : Une mort de style colonial. L’assassinat de Patrice Lumumba sur TV5 Monde ( Continent Noir du 21.03.2010).

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Tremblay-en-France la courageuse

         

Saluons avec fraternité, les habitant(e)s et  la municipalité de TremblayenFrance  (Seine-Saint-Denis) qui ont réagi courageusement face à l’image désastreuse que leur infligent les trafiquants de  drogue, face aux caillassages et incendies de bus qui se succèdent, comme autant de représailles et d’intimidations que leur font subir les bandes inféodées  aux chefs mafieux arrêtés.

Une lettre ouverte au Président de la République pour dire NON à la violence est proposée à la signature des habitants citoyens de Tremblay.

         

Le respect citoyen est à réapprendre au collège et au lycée

23  février  2010     note relue le 24 avril 2016    note mise en avant le 10 novembre 2017

 

Le vrai respect citoyen n’est pas  « le respect communautariste ».

En 2008, un  professeur en formation à l’IUFM de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis /en 2016  Site ESPE  Créteil ) s’écriait  :  » Hyper réac la morale  ! (1) ».

La dé-sanctuarisation des établissements scolaires où l’on voit  poignarder un(e) professeur, tuer un(e) camarade de classe,  investir un lycée pour blesser un(e) adolescent(e) et terroriser l’ensemble de la collectivité scolaire,  nous amène à penser qu’en face de telles situations, il serait temps d’arrêter les formules simplistes  pour commencer à réfléchir au(x)  sens des mots.

Lorsque l’on entend  des élèves*  fragilisés  par un passé scolaire lourd de comportements violents  inadéquats avec la vie en classe et le travail intellectuel, on s’aperçoit que sur le  sujet de la violence entre jeunes dans les établissements secondaires, ils ne font référence qu’aux codes des bandes de quartiers.

 Ecoutons une  collégienne  :   » Un garçon / il est venu du style à chaque fois/ il me disait/ t’habites où/ t’habites où/ quand je disais X…/ il me regardait trop mal/ Un moment donné/ ça m’a énervée/ ouais comme quoi il faisait trop le nul/ style qu’il allait me taper comme ça/ parce que je viens de X../ j’ai appelé mon frère/ ma mère a appelé ici pour pas que mon frère y vient/  » Elle explique :   »  Comme ça après t’as peur / Y en a qui font ça pour que toi t’appelles les grands de ton quartier qui viennent et qui se battent en fait/  »
La jeune fille poursuit :  » des fois le boug il a sa soeur / et l’autre il va venir/ il habite dans un autre quartier/ il va vouloir faire le mariole avec la soeur/ l’autre va s’énerver/  ou  » le mec il est avec sa meuf/ et l’autre il vient /et il essaye de lui tchatcher sa meuf/  »

C’est le code  du  territoire,  »  la loi du plus fort « ,  le  » code d’honneur «  du petit chef  que l’on doit respecter, à qui l’on doit se soumettre ;  la soumission supprimant tous les droits de la personne soumise.  La loi du chef consiste à se  faire obéir aveuglément par celles et ceux qu’il terrorise avec ses menaces et/ ou ses violences. Et cela rappelle de bien lugubres souvenirs.

Les plus jeunes se soumettent à cette loi primitive , et  loin de faire appel au personnel enseignant et au personnel de surveillance de l’établissement quand on les menace, – pour ne pas passer pour   » des balances  / quand tu balances ils t’attendent à la sortie /  »  la jeune fille le confirme, c’est la loi du silence et la loi  du plus fort qu’elle applique  avec l’appel au grand frère  » / en fait faut les menacer, faut leur faire peur avec le grand frère, le tonton, le grand-père /…pour qu’ils arrêtent/  »

Ainsi dans l’esprit de nombreux élèves, le mot respect  signifie soumission. Il est clair pour eux que les professeurs et les conseillers d’éducation ne peuvent être respectés, n’étant pas plus forts que les élèves, ils ne leur font pas peur  ; tout comme le règlement scolaire si précieux, si indispensable à la collectivité, pour vivre et travailler paisiblement ensemble.  Cette morale citoyenne qui ne menace pas physiquement, ne leur fait pas peur, donc ne leur inspire aucun respect.

Le comble est que ces mêmes élèves qui ne respectent ni le règlement scolaire ni les enseignants, exigent leur droit au respect, puisqu’en perturbant en permanence la vie scolaire, ils pensent être les plus forts. Les adultes  auxquels ils lancent une insulte, doivent leur  dire poliment : s’il te plaît,  sois poli . Et le collégien, au rappel du règlement par la conseillère d’éducation dit : «  la capuche je l’enlève / et je la remets/ je me fous de sa tête/ »

Le respect /soumission  au petit chef, dont le seul but économique (voire politique ?)  est de transformer le quartier en jungle de non-droit, piège les comportements des élèves, et tend  à transformer peu à peu l’établissement scolaire en mini-jungle.  Ne respecter ni les autres élèves, ni les professeurs, ni les locaux, c’est pour certains élèves, montrer leur allégeance aux chefs de bandes ;  c’est s’opposer en permanence au projet éducatif et culturel de l’enseignement public, c’est ruiner tout espoir de réussite scolaire pour eux-mêmes et pour les autres élèves ;  c’est  accomplir  un acte de rébellion  envers la pacifique loi citoyenne.

Aussi faudrait-il sérieusement prendre en compte cet autre sens  du mot respect dans le langage codé des jeunes,  et reconsidérer avec détermination le bien-fondé de l’éducation morale et citoyenne à l’école. L’attribution de postes selon les besoins, une plus grande sévérité des parents en accord avec la fermeté des professeurs, perrmettraient de (ré)instaurer la bonne autorité qui protège parce qu’elle garantit le respect des droits et des devoirs pour tous.

L’enjeu est d’importance. Il s’agit  d‘obtenir à nouveau de chaque collégien(ne) et de chaque lycéen(ne), un comportement calme,  une tenue correcte, un langage poli,  en interdisant évidemment  l’usage  du téléphone mobile, des écouteurs, de la cigarette, du cannabis, de l’alcool et …  des armes… afin que nos établissements  publics ne soient plus régis par la loi du respect-soumission au chef de bande, mais (re)deviennent des lieux paisibles, civilisés, où les jeunes  intelligences préparent  leur avenir.

                 Alors, Hyper réac la morale ?  Non ! Il est  temps pour nous tous, de dire avec les enseignants, les collégiens et les lycéens  :

          Insupportable la violence à l’école !
Inadmissible la  soumission à la loi du plus fort  !

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1   Hyper réac la morale !  27 avril 2008

NB voir la note  Oui à  » La journée de la jupe  » de J-P Lilienfeld  où la professeur de français n’arrivait à faire son cours sur Molière qu’en faisant peur- à son tour – à ses élèves avec le pistolet confisqué  de l’un d’eux, découvert dans sa sacoche …
                J’observe également que le respect/soumission passe par le langage des élèves dont la syntaxe inexistante, avec un emploi excessif de formules stéréotypées et de verlan apparaît comme un refus ( plus ou moins conscient) de parler un français correct, celui de la laïcité, celui qui nous relie les uns aux autres ( alors que les codes communautaristes sont des prétextes aux affrontements violents ).

* Citations transcrites de l’entretien d’un conseiller du Centre académique d’aide aux écoles et aux établissements (CAAEE) de l’Académie de Versailles avec des élèves d’un collège de l’Essonne. Reportage de Farida Taher -19.02.10 France Culture Les pieds sur terre –
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