Son plus mauvais souvenir de militant des droits de l’homme

Stéphane Hessel, ambassadeur de France, résistant de la première heure à l’occupant nazi , déporté à Buchenwald Dora  raconte * :  » En 1946, je passe le concours du Quai d’Orsay ; on m’affecte en Chine ; je passe par New York … le secrétaire des Nations-Unies et son adjoint Henri Laugier ont besoin de jeunes pour travailler, j’avais trente ans … Henri Laugier obtient du Quai d’Orsay qu’on m’affecte comme fonctionnaire international au secrétariat des Nations-Unies. Je m’y trouve dans le département des questions sociales et des droits de l’homme et je commence à travailler avec les responsables, sur la Déclaration des droits de l’homme adoptée le 10 décembre 1948.  »

Alors que l’on commémore solennellement  les 60 ans de la Déclaration des droits de l’homme, Stéphane  Hessel   ** avec toute sa force de conviction, nous livre  » son plus mauvais souvenir de militant des droits de l’homme  » : son séjour en Palestine le mois dernier ;  » Je vois les Palestiniens humiliés, colonisés, occupés par les Israéliens, alors que la naissance de l’état d’Israël avait été pour nous en 1948 le sentiment d’une victoire sur les nazis ; et maintenant les Israéliens traitent leurs voisins les Palestiniens de façon infâme, inadmissible, violant les droits de l’homme ; très très mauvais souvenir.  »

                                                   ______

 *  » Un témoin exemplaire  » Mémoires israéliennes, mémoires palestiniennes   » série documentaire de Marc Kravetz et Gilles Mardirossian France Culture 14.02.07

 ** Arte 

cf  la voix de ceux qui oeuvrent inlassablement pour la paix :

L’ Union Juive Française pour la Paix  

La Paix Maintenant,

Les amis du théâtre de la liberté de Jénine

  ma note Salam Shalom  25.12.2007 

Le droit de vivre en paix

Octobre 2008 -et pendant deux mois- sur Arte.tv, un documentaire quotidien :

           Gaza  Sderot        la vie malgré tout        

                            la vie à Gaza (Palestine) et la vie à Sderot (Israël) 

Deux vidéos par jour qui ouvrent une fenêtre sur des destins douloureusement entrecroisés depuis 1947/ Partage de la Palestine et 1948/ Création de l’Etat d’Israël.

Six voire sept générations déjà ont vécu et/ou vivent sans la paix.

Echec massif  des dirigeants politiques et de l’ONU qui s’accompagne d’un souverain mépris pour celles et ceux qui souffrent toujours plus. 

Echec des lois et de la morale des trois monothéismes quand elles inspirent crimes et violences.

Echec de la pensée démocratique quand sont bafoués quotidiennement les droits de l’homme et de la femme.

Sur quel(s) livre(s) est-il écrit que seule la guerre est bonne pour l’humanité ? 

La jeunesse du monde n’a besoin que de paix.

      

NB Le mercredi 10 décembre 2008, jour du soixantième anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme fut un jour sans vidéos. /   Cf ma note  Stéphane  Hessel  Son plus mauvais souvenir de militant des droits de l’homme 15.12.08 

” Le Sel de la Mer ” ou vivre libre en Palestine

  Le Sel de la Mer* ( Milh hadha Al-Bahr ) le dernier film d’Annemarie Jacir, est tellement proche de la réalité par son sujet comme par ses conditions de tournage qu’il est déjà une page d’histoire de la Palestine.

 Est-ce pour cela que la jeune réalisatrice palestinienne exilée en Jordanie s’est vue refuser par l’Etat d’Israël, l’autorisation de venir avec toute son équipe pour une première mondiale en avril 2008 dans le camp de réfugiés d’Amari, à Ramallah ?

 Après avoir écarté les écrivains et poètes israëliens en langue arabe du Salon du Livre de Paris, l’état d’Israël boucle donc la politique culturelle en Palestine, comme il a déjà bouclé la circulation des personnes par des murs **, des grilles, des barbelés et six cents points de contrôle.

 Avec lucidité et dignité, Annemarie Jacir évoque le poète Mahmoud Darwich et cite «  l’un de ses vers [qui] semble d’ailleurs résumer l’esprit du film :  » La route vers la maison est plus belle que la maison elle-même. « ***  

                                                                              

 * Entretien avec Annemarie Jacir pendant le Festival de Cannes 2008 en présence de Suheir Hammad (Soraya) et de Saleh Bakri (Emad)                                                            

  Le Sel de la Mer (Bande Annonce)

** (Re)voir l’excellent documentaire de S. Bitton : Le Mur

*** Propos recueillis par Mathilde Blottière (Télérama n° 3060)   

 Octobre -novembre- décembre 2008  sur Arte.tv       Gaza  Sderot   la vie malgré tout

                                                                                       

Théo, Bassma, Michal, Orly et les autres

24 mars 2008

Rarement aussi belle occasion aura été offerte à Israël et à son Président Shimon Pérès,  Prix Nobel de la paix avec Yasser Arafat et Itzhak  Rabin en 1994 : celle de faire du Salon du Livre de Paris 2008, en l’honneur d’Israël, une rencontre de paix entre écrivains israéliens de langue hébraïque et écrivains israéliens de langue arabe 1 – sachant que beaucoup d’entre nous les liront en traduction française chez les éditeurs présents au Salon 2008.

Mais, même avec son Centre Pérès pour la paix qu’il a ouvert en octobre 1997 à Tel Aviv, il ne semble  avoir pu donner l’impulsion nécessaire. Le quotidien tragique et les blocages politiques ont fait le reste.

Alors il y eut ce Salon et tous ces absents et cet après-midi du 14 mars – salle Eliezer Ben Yehuda- une table ronde avec Sayed Kashua*, Boris Zaidman** et Naim Araidi *** , sur le thème  » Je suis né dans une autre langue  » animée en hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech. Tous les trois ont expliqué comment, issus d’une minorité linguistique en Israël, ils écrivaient en hébreu pour se faire accepter, pour exister. Ils ont dit leur vie simplement. Et je ne pouvais m’empêcher de penser aux autres, à tous les autres qui, en langue arabe, en Israël et dans les Territoires d’une Palestine déchirée, écrivent et racontent aussi leur vie.

Le même jour, dans son émission Bibliothèque Médicis, Jean-Pierre Elkabbach recevait  Théo Klein *  disant pourquoi Israël devait sortir du ghetto où il s’était enfermé et  Bassma Kodmani ** demandant aux pays arabes du Proche-Orient d’ abattre les murs  » ceux qui font miroir au ghetto « .

Michal Govrin *** a parlé de ses lectures des auteurs palestiniens traduits en hébreu. Orly Castel-Bloom ****, sûre à la naissance de son fils en 1993 de la paix toute proche, voit arriver avec terreur le temps où il sera soldat…

Voilà… Shimon Pérès était reparti. Les murs avaient été si hauts que la colombe de la paix ne s’était posée sur aucun livre. Elle était restée absente… comme les autres. 

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1 N’avait-il pas répondu à Yasser Arafat qui avait dit son « espoir que la paix soit  » fondée sur la justice et le respect de l’autre « , n’avait-il pas dit à la tribune du palais des Congrès de Grenade, le jeudi 9 décembre 1993 :  » La paix réussira. Rien ne nous arrêtera. » [et cité] dans la langue de Mahomet un vieux proverbe arabe :  » Al Salam Yasbuq Al kalam » ( la paix précède les mots) avant d’ajouter :  » Maintenant, la paix a besoin de mots. » Extrait de l’article de Jean-Pierre Langellier « La paix le jour d’après » Le Monde 11.12.1993

* Et il y eut un matin (Points)  ** Hemingway et la pluie des oiseaux morts (Gallimard)

*** poète druze -non inscrit sur la liste officielle –   

 * Sortir du ghetto (Ed Liana Lévi) **  Abattre les murs (Ed Liana Lévi)

*** Sur le vif (Ed Sabine Wespieser) **** Textile (Actes Sud)

……………et entre tant d’autres : Poème (Ne t’excuse pas) de Mahmoud Darwich et Le Bien des Absents d’Elias Sanbar (Actes Sud )   

La paix en marge du Salon du Livre

Pourrait-on voir un manque absolu de savoir-faire et de maturité politique, au fait que les organisateurs du Salon du Livre de Paris (14-19 mars 2008) n’aient pas réussi à réunir, soixante ans après la création de l’Etat d’Israël – soixante ans de guerre, de drames humains et d’humiliations – les écrivains et poètes du Proche-Orient, afin qu’ils puissent ensemble et avec nous, parler de paix, de l’urgence de la paix ?

Mme de Mazières* s’explique :  » le SNE n’imaginait « absolument pas que cette invitation soit prise en otage dans une polémique qui dépasse totalement [les organisateurs]« . … C’est « la littérature israélienne » qui est invitée et non l’Etat d’Israël en tant que tel….Pour elle, il était naturel de braquer le projecteur sur les écrivains de la langue hébraïque, même si ce choix excluait la production littéraire israélienne en langue arabe (sic). » **

Laissons Sayed Kashua*** dire avec un humour (juif?) comment il voit son « boycott français » :

« Bonjour. Monsieur Kashua ? »* demande la voix lointaine.

« Lui-même », réponds-je, empli de joie. La France. J’adore la France. Ils accordent immédiatement le droit de séjour aux artistes, ils ne font aucune difficulté. Je me suis renseigné.

« Bonjour ». La voix passe à un anglais à fort accent français. « Je voulais vous demander si vous veniez au Salon du Livre de Paris cette année ? »

« Bien sûr », répondis-je joyeusement.  » J’ai été invité pour des lectures et des interviews. C’est pour moi une magnifique occasion de me faire mieux connaître en France, et je voudrais vraiment remercier mon éditeur en France, et le ministère français de la culture… » Je me lançai dans un discours, interrompu par une autre question.

« Saviez-vous que plusieurs écrivains boycottent le salon parce qu’Israël fait partie des pays invités ? »

« Non, je ne savais pas. » Je commençai à transpirer.

« Oui », dit le journaliste français. « Et je voulais vous demander : que pensez-vous du boycott ? »

« Le boycott est très bien. Pourvu qu’il y ait encore plus de boycotts de l’entité sioniste. En fait, je pense qu’on devrait enfermer tous les écrivains israéliens dans un hôtel, les mettre sous couvre-feu, boucler leurs œuvres… Mettez-les dans la pire aile de l’hôtel le plus miteux de Paris, empêchez-les de sortir de leur chambre. Et puis, coupez-leur l’électricité. Comme ça, ils auront une petite idée de ce qui se passe à Gaza. »

« Mais vous venez, non ? C’est ce que vous avez dit. »

« Sûrement pas. Je ne savais pas qu’il y avait un boycott. J’adore le boycott. Demandez à mes enfants. Je fonce dans ces cas-là. Si vous me dites qu’il y a un boycott, je m’associe immédiatement, peu importe sur quoi est le boycott, et si c’est un boycott littéraire, raison de plus. »

« Je vois, » dit le Français. « Donc, vous ne pensez pas qu’un événement comme celui-là pourrait représenter une bonne tribune pour parler des problèmes du Moyen-Orient, et que ces rencontres pourraient contribuer à promouvoir la coopération dans la région ? »

« Si, si, vous avez absolument raison », dis-je avec un parfait accent français. « Surtout les auteurs et les écrivains des deux peuples, qui peuvent avoir une influence sur leurs citoyens et lecteurs, chez eux. Le dialogue entre écrivains vaut mieux que le dialogue entre politiciens. Bien sûr, là, j’essaie d’être optimiste, mais ces rencontres sont importantes, absolument. »

« Attendez, je ne suis pas certain de comprendre. » Je pouvais entendre le Français se gratter la tête. « Alors, vous venez ? »

« Bien sûr. »

« Mais vous me disiez il y a une minute que le boycott des écrivains était important ? »

« Oui. Boycotter ces tarés qui ne font que souffler sur les braises du racisme et du nationalisme dans leur pays. Le Salon du Livre en France est une occasion en or pour les intellectuels éclairés de montrer leur mépris pour l’apartheid israélien. »

« Merci, monsieur. »*

« De rien. »

* En français dans le texte.

* Déléguée générale du SNE ( Syndicat national de l’édition)

**  article de Raphaëlle Besse Desmoulières Le monde.fr 04.03.08  

***  Arabe citoyen israélien journaliste et écrivain (en hébreu) :  Mon boycott français