Quand le savoir d’une professeur agrégée, docteur ès lettres, ne fait plus autorité

19 décembre 2012

Que faire quand une classe de 1ère STMG (1) a une moyenne de 6,86 en français pour ce premier trimestre ?  Que faire quand seulement 4 élèves sur 26 ont la moyenne en français ?

Que faire pour que ces vingt-six apprentis bacheliers débutants  (niveau cours élémentaire) réussissent l’épreuve de  français en juin 2013,  avec trois heures de français par semaine ?

♦ Pour les élèves et leurs  parents, la seule solution est de dénoncer la professeur de français de 1ère STMG .  On se  frotte les yeux, on n’est pourtant plus en 1942, où, sous le régime de Pétain, pour obéir aux nazis, il fallait dénoncer les professeurs juifs et/ou communistes de son lycée… 

Cependant, l’Éducation nationale a obéi aux ordres des élèves,  menacés par le danger (sic) que représenterait une professeur agrégée. Elle a appliqué  le « principe de précaution (sic)  », afin que la professeur ne soit plus en contact avec les élèves de 1ère STMG.

On  appellera cela  « la procédure  d’Orléans»  :  ou  « la professeur adapte les contenus et la notation» au niveau 6 de moyenne de la classe ou  elle est considérée comme dangereuse (sic)  pour les élèves.

L’Éducation nationale a suspendu immédiatement la professeur. Le rectorat  l’a déclarée  « interdite d’accès dans son lycée jusqu’au 20 décembre 2012 », sans concertation préalable, sans lui accorder la  moindre « présomption d’innocence» , celle que l’on octroie généreusement aux criminels récidivistes , sans  aucun entretien préalable avec elle, en présence du ou de la proviseur du lycée et d’un représentant syndical etc.  Dans l’urgence, une enquête a été diligentée.
Pour éclairer les « enquêteurs» sur le danger que représente la professeur, le proviseur adjoint du lycée Pothier a demandé, aux délégués de la 1ère STMG, de rédiger un texte explicitant leur dénonciation.  Il aura ainsi  rapidement une idée sur les efforts que devront fournir ces élèves pour obtenir la moyenne à leur bac de français.

Ainsi va à la dérive l’Éducation nationale. Le savoir n’y fait plus autorité. La création des zones d’éducation prioritaire il y a trente ans, n’a apporté que désillusions, refus des apprentissages et décrochages avec un absentéisme et des violences  que l’on n’avait  jamais vus auparavant.

♠ L’Éducation nationale a-t-elle à ce point  peur de menaces ou de  représailles de lycéens ignorants et de leurs parents ?
La question est posée au ministre et à l’Assemblée nationale :  la seule solution contre l’illettrisme des apprentis bacheliers des classes de 1ère STMG   est-elle la dénonciation, l’accusation et l’exclusion de leurs professeurs de français ? Est-ce avec  le principe de délation que M.Peillon « refondera » l’école ?
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NB
1 Baccalauréat STMG  Sciences et Technologies du Management et de la Gestion

 ♠ Voici le témoignage d’un professeur, lecteur de la République du Centre 16.12.12
« Je suis prof, agrégé, et j’ai longtemps enseigné en STMG. La plupart du temps, on a 50% d’élèves en difficulté, 40% qui sont là pour en faire le moins possible. Le moindre travail est considéré comme une atteinte à la dignité humaine, et il est littéralement impossible de sanctionner vraiment les absences, retards, travaux non faits, moyennes catastrophiques et manquements à la discipline et au respect car trop nombreux. La situation est aggravée par les profs démissionnaires qui achètent la paix sociale. »
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Les faits sont extraits de l’article / Une professeur de français suspendue au lycée Pothier / Aurore Malaval / La République du Centre /13.12.2012.
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♠♠ Autre exemple du respect que l’on témoigne envers ses professeurs  dans une ville du Val d’Oise ; on y remarquera la croix gammée des nazis que reproduisent à l’envi -partout dans nos villes- les vandales antisémites … (et le s serait-il pour salafiste (?).

Cette municipalité du Val d’Oise, la directrice de l’Académie de Versailles, SOS racisme – et tous les « indignés (sic) »  auront-ils,  face à ces injures ignominieuses, le courage de porter plainte pour défendre l’honneur et la dignité des professeurs, pour s’indigner de l’antisémitisme et  de la dégradation des biens publics ?

Quelles leçons, le ministre « refondateur » M. Peillon, en retiendra-t-il  en 2013 ?
♦ Je doute fort que la morale civique et laïque soit une priorité, aussi urgente (sic) pour le président F. Hollande et son ministre de l’Éducation nationale, que leur très opportuniste mariage homosexuel.

                             Photo Olivier Corsan. Le Parisien.fr 13.12.2012

L’articulite, la main et la fleur

  12 décembre 2012  mis en avant le 9 septembre 2016

Pour le plaisir de remarquer que la grammaire s’applique de mieux en mieux,  mais aussi de me moquer une nouvelle fois  des « restes de frilosités » de notre belle langue française. Ce n’est pas  dramatique, juste « grammatical » pour « le genre féminin« .
Ce serait grand merci à notre Académie française si elle se penchait enfin avec grand courage sur le sujet.

………….

C’était en 2008, une réponse au commentaire d’un abonné énervé, Daniel M. sur le Monde.fr,  car je n’avais pas su résister au plaisir de lui écrire ces quelques mots :

« Cher Daniel M.
Il semble que vous souffriez de l’articulite ; c’est une irritation douloureuse de l’humeur, causée par l’emploi de l’article défini féminin singulier la, et de l’article indéfini féminin singulier une. Cela fait très mal au début ; mais lorsque l’on sait que notre belle langue française accorde le genre féminin à la table et à la chaise**, on se calme grammaticalement et l’on met l’article la devant le mot ministre… quand c’est réellement une femme ! »

Comme ce sujet est toujours intéressant à débattre, j’avoue que je préfèrerais pour l’élégance, conserver la forme primitive du mot masculin quand il existe déjà un nom au féminin avec la même terminaison – exemples   la mainune écrivain.

De même comme on dit et écrit , la fleurune soeur, pourquoi ne pas dire et écrire, la professeur –  une procureurla proviseurune docteurune auteurune ingénieur etc. ? Des puristes surajoutent la terminaison e –tellement féminine que je ne citerai pas ici tous les noms masculins qui se terminent par e-  terminaison qui m’apparaît comme superfétatoire, et surtout muette dans le deuxième cas. 

Il s’agit là de professions et de fonctions nouvellement assurées par des femmes, d’où le malaise linguistique de Daniel M.
La parité peu à peu cisèle et polit notre langage. Elle lui donnera le bel éclat de l’égalité.

NB
Pour l’exemple d’un mot féminin se terminant par ain, il y a  le mot «  putain », juron favori des Français  qui désigne sans aucun doute une entité féminine ; ne dit-on pas une putain ?
On pourrait faire encore plus féminin en proposant une putaine ?
En toute simplesse, j’ avais oublié  le très gracieux mot féminin, pute ! 

 ♦ On pourra d’ailleurs interroger l’Académie française et Mme Carrère d’Encausse qui revendique le titre masculin attaché à sa fonction de « secrétaire perpétuel »  sur le fait que notre belle langue française accorde plus facilement le genre féminin au mot putain qu’au mot écrivain.
…Sachant que, « le dit secrétaire perpétuel», dans un entretien radiophonique, proposait volontiers pour le dictionnaire de l’Académie, le mot «  meuf  » ,  femme «en argot vache (meuh !» des mufles , « rappeurs» et  truands.

♦ ♦  et jusqu’à l’absurde : lu dans Le Monde du 3 août 2010   (AFP.) :
« Le président pakistanais [Asif Ali Zardari] veuf de l’ancien premier ministre Benazir Bhutto, assassinée en décembre 2007… »
Pour le ou la journaliste de l’AFP,  écrire « l’ancienne première ministre » eût été un crime de lèse- grammaticalité politique, alors que Benazir Buttho avait bien le droit d’ être assassinée (au féminin).

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Enfin, comme l’a remarqué finement Jacques Prévert  dans  Spectacle :
  « Pourquoi dites-vous la virilité ? »
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12 décembre 2012 

Arte, la chaîne bilingue : français – argot

16 novembre 2012

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Le mauvais goût *de la chaîne franco-allemande Arte est tenace.
On le retrouve dans l’émission : 28 minutes menée tambour battant par Élisabeth Quin qui a le style hautain d’une comtesse doublée d’une Oberführerin.
A l’heure où les enfants sages sont couchés, elle officie avec sa petite troupe qu’elle mène à la baguette, comme d’ailleurs ses invité(e)s  qu’elle interrompt à tout moment … parce que la vedette, c’est elle !

Ce 14  novembre 2012, son invitée était Mireille Ballestrazzi, nouvelle présidente d’Interpol, que Julien Dugast dans sa  rubrique « La une du jour » présenta à sa façon.
Dans son commentaire du défilé d’images, il claironna que Mme Ballestrazzi était « un grand flic »/on  échappa de justesse au grand keuf / puis il nous  interpella, ignorants que nous sommes :  » Mais vous allez m’ dire ques aco Interpol ? « , avant  de nous en présenter le site  : «  Attention, ça envoie ! » suivi d’un  » À Interpol, on s’la donne façon minority report  » avec un gros accent  de cow boy.
Ainsi le journaliste  manifestait  sa posture vis- à- vis de la répression des trafics internationaux de drogues et d’armes de guerre en minimisant, voire en ridiculisant son sujet.

Quelques instants plus tard, j’ai retrouvé Élisabeth Quin, en entretien avec Gustave Kervern, co-réalisateur avec Benoît Delépine, de  Mammuth (2009) co-produit par Arte France Cinéma  … et au programme de la soirée…

…. De telle façon que Mammuth et  Gérard Depardieu,  accompagnés d’une avalanche d’argot infligée par la si distinguée journaliste, n’en parurent guère  ragoûtants. Nous eûmes droit  à la touche far west du  » road trip  » et  » du road movie « , puis   » aux paperasses « ,  «  aux  picaillons « ,  » au  pajot « ,  » au  boss  » , pour finir par l’annonce alléchante, et tellement française,  «  il chat’ra  » .

                   De fait, Arte serait même trilingue, français-argot-bobu.

         Arte  a toujours le mauvais goût de penser que la culture pour le Grand Public doit être vulgaire, banale et bête. Le « petit peuple des médias » ne pensant égoïstement qu’à ses droits en espèces sonnantes et trébuchantes, oublie le respect de ses  devoirs envers le Peuple citoyen,  pour lequel il a le même mépris que Louis XVI et Marie-Antoinette !

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* Le mauvais goût du «Arte Webslam»

Le juron favori

 Note du 27 octobre 2012 / revue le 30 octobre 2015   

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La nouvelle série policière Caïn de France 2 m’était apparue intéressante dans ses premiers épisodes avec des scénarios ne nous infligeant ni trop d’autopsies ni trop de sévices, et des dialogues ne manquant ni d’esprit ni d’humour. Elle renouvelait le genre, nous changeait  de la balourdise ordinaire qui nous est servie à longueur de fictions, dont l’interminable « Plus belle la vie » est devenue l’archétype commercial pour les producteurs.

La mauvaise surprise m’attendait à l’épisode 7/8 Otages /26.10.12 pour lequel on nous avait concocté le sinistre meurtre d’un professeur de lycée des «  quartiers nord » de Marseille, achevé par sa collègue et amie, après avoir été furieusement battu par deux élèves, dont l’un – mineur- avait «fréquenté» la dite collègue … bref,  le réalisateur -scénariste pensait nous brosser un tableau  banal de notre jeunesse et de notre vie  en France.

Alors, comme le policier Fred Caïn était pris en otage par les deux garçons, nous avons eu droit pendant 52 minutes à un flot compulsif – une bonne cinquantaine de fois,  de  « putain – et casse-couilles » (1) – en alternance avec  » casse-couilles – et putain   »  pour exprimer toutes les nuances de leur réflexion ; la  variante   étant l’emploi subtil du verlan te-bé.  

Ce défoulement pathologique qui fait cracher sans répit le mot  « putain »  aux petits mâles (2),  en dit long  sur le niveau de respect qu’ils ont pour la gent féminine, considérée en permanence avec le mépris que l’on doit aux prostituées – dont pourtant la gent masculine – de l’ex -patron du FMI, ex- candidat favori des primaires PS, au petit peuple des  footballeurs, est si friande.

Nos « stars »,  millionnaires dans la catégorie « rap et  slam » – nouvelles « idoles » et références académiques de la langue française pour nos très savantes femmes ministres de l’Éducation nationale et de la Culture)-. répliqueront que « putain» rime bien avec « purin» et  «crottin». Je pense surtout que « putain  » rime avec « crétins » !

Mais enfin, s’il fallait jurer en crachant, comme des hommes, trafiquants, charretiers ou députés, on pourrait  prendre de la hauteur (sic)  dans les conversations, avec les bons vieux jurons d’antan qui, s’adressant à dieu, n’incriminaient point les femmes.

Bien sûr, les tenants des monothéismes triomphants  du XXIème siècle : évêques, rabbins ou imams crieraient au blasphème et menaceraient  à nouveau leurs ouailles du feu de l’enfer.
♠♠ J’entends déjà les imams islamistes du Val d’Oise enseigner à leurs frères, qu’avec le mot « putain » en français ou en arabe, ils ne risquent rien,  et que,  bien au contraire, jurer – comme on crache – sur un nom de femme est une  bonne façon, agréable pour eux, comme  pour dieu et son prophète, de les inférioriser à chaque fois, un peu plus … tout en gagnant son paradis.

                     Ah ! nom de dieu !

 

                                  Moralité

La politesse et le respect de l’autre voudraient que l’on s’abstienne de tout écart de langage et de toute imprécation. Mais puisqu’il faut se prononcer sur la vulgarité ambiante, j’ai donc, en cas d’émotion, un faible pour le  «sacré nom de dieu »  que l’on peut raccourcir de façon plaisante en « nom de dieu» ou en « bon dieu ».
… Comme dans quelques couplets de chanson de salle de garde (3)

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1  Pour nommer le défunt professeur.
2  Les filles, pour  être les égales des garçons dans la  vulgarité (?) ,  les imitent et en rajoutent.
En se cachant derrière les jurons sexistes et le verlan – version infantilisante se voulant subversive de l’argot des truands – filles et garçons manifestent leur fuite devant les vrais mots de la pensée rationnelle et humaniste. Cette vieille habitude (hébétude)   du « rap- slam– dans- les- écouteurs », qui bafoue (bafouille) la langue française, les enfonce jour après jour dans le crétinisme des auteurs.

3 France culture Avec ou sans rendez-vous  17 juillet 2012 (rediffusion du 28 décembre 2010)   Histoire de la salle de garde
Olivier Lyon-Caen recevait Patrice Josset auteur de La salle de garde. Histoire et signification des rituels de salle de garde du Moyen Age à nos jours  (Le léopard d’Or, 2010)

           chanson  interprétée par Les Frères Jacques
Premier couplet
« Au fond de l’Hôtel-Dieu   Nom de Dieu
  Y avait une surveillante (bis)
Solo Qu’avait tant d’amoureux Nom de Dieu
         Qu’elle ne savait lequel prendre Ah Nom de Dieu
Refrain
Sacré Nom de Dieu
quelle allure Nom de Dieu
Sacré Nom de Dieu
quelle allure ! » (bis)

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En rappel à M. Peillon et aux candidats à la présidentielle de 2017

Note du 8 juillet 2012 mise en avant le 16 .12 2016 et précisée (!) le 21.12.2016

Ou quand M. Peillon,
[
candidat in extremis à la Primaire du PS « hollandais » 
pour être élu président de la République en 2017 , mais plus sûrement pour affaiblir (toujours selon la méthode « hollandaise »)  M. Valls], 
était ministre refondateur de l’Éducation nationale, en 2012.

 Le dossier  adressé  à M. Peillon et au « comité de pilotage »  ♦ n’a  reçu aucune réponse ni par courrier,  ni a fortiori, par le vote d’une loi  juste … M. Peillon  n’ayant retenu dans sa refondation factice de l’école primaire, que le péri-scolaire sous le  nom de « rythmes scolaires (sic) » à la charge des municipalités,   Mme Vallaud-Belkacem  s’étant chargée  de ruiner les contenus des programmes du collège. 

« Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale,

En ce temps de « Refondation de l’École de la République », exercice obligé à chaque nouveau gouvernement depuis la première consultation nationale organisée par M. Savary – premier ministre de l’Éducation nationale de M. Mitterrand en 1981 et après les passages au ministère de MM. Lang et Jospin, on souhaite que cette énième concertation soit utile pour en finir avec le « toujours moins d’école »,  pour en finir avec une formation où un professeur frais émoulu de l’IUFM de Créteil, ne déclarerait  plus «hyper réac la morale !» quand la violence est partout.
Il est temps de retrouver  le sens fondamental de la  mission d’enseignant et suivant l’exemple de nos admirables instituteurs de la laïque  depuis la fin du XIX ème siècle : donner les moyens de  la langue française et des sciences à l’éveil de l’intelligence  de tou(te)s les futur(e)s citoyen(ne)s.

Sous la III ème République, l’école primaire publique était ouverte cinq jours par semaine et 223 jours par an, elle n’ouvre plus que quatre jours par semaine et 140 jours par an [soit l’équivalent d’une année scolaire en moins]-  laissant les élèves devant la télévision, les jeux vidéo, les sites glauques de la toile, les publicités incessantes etcC’est cette carence d’école qui constitue désormais le véritable « handicap socio-culturel ».

Il y a cinq ans,  j’ai écrit une lettre au président Sarkozy. Comme elle me semble toujours d’actualité, je la verse au dossier des membres du « comité de pilotage » qui se chargeront du rapport « Refondons l’École »  à remettre en octobre 2012.
     L’Histoire de l’école publique et laïque s’écrit, mais sa plume est  paresseuse quand il s’agit de  faire progresser du  XX ème au  XXI ème siècle, les droits au savoir du peuple. »
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         Extraits d’une lettre* adressée à M. Sarkozy, Président de la République, lundi 1er octobre 2007

« Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous écrire avec une totale liberté de ton, hors langue de bois (…)

 Comme il faut parler franc  « l’avenir de nos enfants  » n’est pas seulement entre les mains de chacun d’entre nous, éducateurs , il est aussi et surtout … entre les mains des décideurs politiques, représentants de la Nation tout entière.

Ce qui me fait dire que tous les dysfonctionnements observés actuellement sont les effets d’une volonté politique aveugle aux problèmes de démocratisation, délibérément laxiste et se dotant d’incompétences multiformes à tous les niveaux de l’institution.

Comme je suppose que les enfants de ministres et de présidents sont accueillis, la plupart du temps dans l’enseignement privé catholique, tel M. Luc Ferry qui s’en était expliqué un jour, d’un ton badin, sur une chaîne de télévision publique, on comprend aisément que le signal d’alarme ne s’allume jamais dans leurs bureaux. Et pourtant…

Votre belle définition de notre mission :  « Aider l’intelligence, la sensibilité à s’épanouir, à trouver leur chemin, quoi de plus grand et de plus beau en effet ? Mais quoi de plus difficile aussi ? » fera l’unanimité. La nuance que j’apporterai sera pour   « Eduquer c’est chercher à concilier deux mouvements contraires  » car je ne vois rien de contradictoire entre  « celui qui porte à aider chaque enfant à trouver sa propre voie et celui qui pousse à lui inculquer ce que soi-même on croit juste, beau et vrai.

D’autant plus qu’il s’agit là, pour notre société d’un véritable enjeu vital de transmission de valeurs universelles, pour aider les jeunes à se construire, et à construire leur propre vie  hors du champ exclusif de la tyrannie de la culture commerciale (1).

Lorsque vous abordez  « notre modèle d’école républicaine  qui brasse toutes les origines, toutes les classes sociales, toutes les croyances », il me semble que vous embellissez le tableau, car les classes moyennes et moyennes supérieures ont depuis ces dernières décennies largement opté pour l’enseignement privé.

Sachant que les classes aisées n’avaient bien évidemment pas attendu Jules Ferry pour doter leurs enfants d’une éducation aussi soignée que possible,  « notre modèle d’école républicaine »   fut créé  pour les enfants du peuple, les fils de paysans, d’ouvriers et d’employés, afin de les sortir d’un analphabétisme incompatible avec l’essor du développement industriel et commercial de l’époque. Il s’agissait de fournir au patronat une main d’œuvre qualifiée, plus performante.

Ainsi  « notre modèle d’école républicaine …s’est affaibli », je dirais même qu’ il est bel et bien en panne, on se demande même s’il faut parler de  « modèle ».
♦ Comment notre école qui avait réussi une si belle ébauche d’accès aux savoirs fondamentaux pour tous, a-t-elle pu ensuite faillir à sa mission d’approfondissement des savoirs au collège ? … Q
uand on sait combien pour les couches privilégiées, ce parcours d’études jusqu’à 16 ans est simple et banal depuis des siècles.

La  conclusion que vous tirez de cet   « affaiblissement »  est  la suppression de la carte scolaire. Cela ne servira qu’à satisfaire les parents qui cherchent à fuir le   « modèle d’école républicaine » de leur quartier. C’est dire si dans certains quartiers ce modèle a perdu la cote ! Elle facilitera encore davantage la formation dans l’enseignement public de parcours scolaires d’excellence qui seraient l’apanage des seuls beaux et bons quartiers de centre ville. Ces   « bonnes écoles  » mériteraient le nom de  « zone où l’éducation est vraiment prioritaire – ZEVP « , car contrairement à leurs jumelles de banlieues et d’arrondissements  « modestes », elles correspondent parfaitement au  « modèle d’école républicaine », celui qui peut éduquer tous ses élèves jusqu’au meilleur niveau. C’est pourquoi je persiste à dire que cette mesure n’a aucun effet sur le fonctionnement pédagogique de l’école ni sur la réussite scolaire pour tous.

La réforme du collège – dit   « unique »(?)  ne devrait en aucun cas apparaître comme un   renoncement aux perspectives généreuses et démocratiques qu’avait ouvert le Plan Langevin – Wallon à la Libération.

 Ce serait désastreux car ce serait se suffire de fausses évidences pour en tirer de mauvaises conclusions. On retrouve là dans vos propos les trop fameuses   « différences de rythmes…de formes d’intelligence ».
De l’évidence qu’ aucun enfant n’est pareil à un autre, on a depuis ces quatre dernières décennies, voulu nous faire croire qu’en fait, certains étaient surtout  « moins doués », et d’étonnants psychosociologues ont voulu nous convaincre que c’était – toujours- les enfants des classes « modestes  » ; cette discrimination étant accompagnée de théorisations plus   « savantes »   les unes que les autre qui conditionnèrent toujours plus les esprits.

Ainsi c’était prouvé, l’échec des collégiens était bien dû à leur faible intelligence et/ou à la « classe socioculturelle » de leurs parents, non au collège et/ou à l’école primaire laquelle, de circulaires en décrets ministériels inadéquats avait été écartée stupidement de sa mission primordiale d’enseignement des savoirs fondamentaux.

On a vu poindre insidieusement l’ombre de la régression démocratique avec l’invention du nom dévalorisant de  « massification ». Parler d’enseignement secondaire en France revient depuis quelques années à gloser sans fin sur la   « massification » dans le collège -dit unique. Cela ferait rire s’il ne s’agissait de  « nos enfants  » et de l’avenir de notre société.

Faut-il donc continuer à instiller le doute sur  l’intelligence des élèves, en déclarant que tous nos collégiens ne peuvent suivre un cursus secondaire ? Que nous n’atteignions pas tous le niveau de savoirs d’un(e) astronome… ou d’un(e) biologiste, je le conçois aisément, mais dire que le niveau de 3ème de collège – à condition que l’on sache lire et que l’on ait envie d’apprendre – n’est pas accessible à tous, serait une véritable imposture éducative et morale.  

En tant que Président de la V ème République, vous avez là un véritable défi à relever : faire que l’enseignement secondaire public égale en qualité celui dispensé dans les collèges   « privilégiés « , dans ces lieux où   « la culture humaniste[ ne] s’étiole [pas] et où   « la culture scientifique [ne] régresse [pas] ».
 
Il s’agit bien pour ce « temps de la refondation  » de ne plus se tromper d’objectif et de donner la même vraie culture générale à tous les adolescents de notre pays, et non pas seulement au petit nombre. Il s’agit d’avancer dans la conquête citoyenne des droits à l’égalité, de faire enfin, plus et mieux que les pionniers de la III ème.

L’avenir de l’enseignement public ne saurait en effet se satisfaire du simple accueil  « charitable » ponctuel et forcément partial de quelques lycéens de banlieues à l’Institut des Sciences Politiques de Paris.

Ce  « temps de la refondation » devrait, il me semble, avoir pour base la formation des professeurs et l’excellence de leur travail … car enfin, jusqu’à quand voudra-t-on nous faire croire que pour faire un bon professeur, il suffirait d’un an avec des formateurs, éminents universitaires certes, mais qui n’ont jamais enseigné aux 3-16 ans, alors que pour faire un bon artisan, il faut de trois à cinq ans avec des maîtres qui excellent dans leurs métiers ?
Une vraie formation de l’apprenti-professeur devrait se faire sur une période d’au moins deux ans, en alternance théorie-pratique, sachant que le plus précieux savoir-faire sera acquis en présence des élèves, avec l’exemple et les conseils de l’enseignant-maître d’apprentissage, lequel donnera de plus en plus d’initiatives à l’apprenti durant la seconde année. On ne leur demandera pas de faire le Tour de France comme aux Compagnons, mais  le tour des écoles de la ville et/ou du canton sera des plus enrichissants.
C’est ainsi que celle ou celui qui a enseigné en centre ville enseignera de la même façon, avec la même attente exigeante, dans une école rurale ou une école de banlieue.
Les cinq premières années d’enseignement devraient permettre aux professeurs débutants de retrouver régulièrement leurs tuteurs pour se perfectionner, venir à bout de leurs difficultés et se cultiver encore et toujours.

La nouvelle fraîche de la suppression du samedi matin me conforte dans ce que j’avais repéré … comme étant la tendance lourde   « au toujours moins d’école ». Avec la mauvaise foi qui n’appartient qu’au discours officiel, on dit que cela améliore les rythmes scolaires des élèves alors que l’emploi du temps scolaire sur quatre jours est particulièrement bousculé.

La diminution du temps scolaire pour les élèves est lourde de conséquences et n’exonère en rien les présidents, les ministres et les enseignants de leurs responsabilités éducatives et culturelles pour le plus grand nombre – c’est-à-dire pour tous ceux qui remplaceront l’école par la télévision, les jeux vidéo et le grignotage, le mercredi et le samedi.
Pour ceux-là, au manque d’école s’ajoutera le manque de temps forts d’acquisition culturelle et artistique : fréquentation des bibliothèques, des médiathèques, des musées, des ateliers d’artisans, des entreprises aux techniques innovantes, des lieux de recherche scientifique, fréquentation des écoles de musique, d’arts plastiques, de théâtre et de danse,  rencontres avec les élus, les sorties au théâtre, au concert,  l’apprentissage   « vivant » de langues dans des activités ludiques (jeux de société – chansons), culturelles (théâtre), ou sportives, les échanges avec les jeunes européens etc.

Je suis en plein accord avec votre conclusion : « A nous de reprendre le fil qui court depuis l’humanisme de la Renaissance jusqu’à l’école de Jules Ferry en passant par le projet des Lumières. »
A cette nuance près que  « le fait religieux » , s’il est abordé en histoire des civilisations, a une place telle dans notre histoire nationale – la monarchie de Droit Divin, les guerres de religion, l’Inquisition et ses bûchers jusqu’aux privilèges du clergé avant la Révolution de 1789  etc.– que l’on ne peut dans une perspective laïque chèrement acquise, le survaloriser.
Si d’après vous,  « le spirituel, le sacré accompagnent de toute éternité l’aventure humaine. S’ils sont aux sources de toutes les civilisations », je pense que les dieux sont les fruits de l’imagination créatrice de mythes d’Homo sapiens, et que notre humanité aurait un bien plus bel avenir, si ces dieux n’empêchaient pas la fraternité… 

En vous remerciant de l’attention … je vous prie de croire, Monsieur le Président … »

Michèle Pacory-Poncet

 * en réponse à sa « lettre aux éducateurs » de septembre 2007
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  ♦   9 août 2012 /  Le service du courrier du Ministère de l’Éducation nationale n’a pas trouvé le cabinet de M. Peillon  et  son  «comité de pilotage de la  Refondation de l’École de la République».
Il a refusé mes lettres adressées à Mme  Mons
  sociologue et à M. Christian Forestier IGEN et me les a retournées copieusement chiffonnées comme sorties de la poubelle.
L’histoire ne  dit pas si le
 service  susdit a remis les lettres à Mme Colombani journaliste au magazine Elle  et à M. Bonneau président de la région Centre — ou si elles sont simplement passées à  la choucrouteuse… Je penche pour la deuxième solution

Voir la fine étude de Dominique PASQUIER : Cultures lycéennes. La tyrannie de la majorité Autrement février 2005  / Voir aussi l’excellent travail de Catherine ROBERT professeur de philosophie au lycée Le Corbusier d’Aubervilliers qui fait de la culture un vrai festin pour ses élèves…

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note du 8 juillet 2012