La paix en marge du Salon du Livre

Pourrait-on voir un manque absolu de savoir-faire et de maturité politique, au fait que les organisateurs du Salon du Livre de Paris (14-19 mars 2008) n’aient pas réussi à réunir, soixante ans après la création de l’Etat d’Israël – soixante ans de guerre, de drames humains et d’humiliations – les écrivains et poètes du Proche-Orient, afin qu’ils puissent ensemble et avec nous, parler de paix, de l’urgence de la paix ?

Mme de Mazières* s’explique :  » le SNE n’imaginait « absolument pas que cette invitation soit prise en otage dans une polémique qui dépasse totalement [les organisateurs]« . … C’est « la littérature israélienne » qui est invitée et non l’Etat d’Israël en tant que tel….Pour elle, il était naturel de braquer le projecteur sur les écrivains de la langue hébraïque, même si ce choix excluait la production littéraire israélienne en langue arabe (sic). » **

Laissons Sayed Kashua*** dire avec un humour (juif?) comment il voit son « boycott français » :

« Bonjour. Monsieur Kashua ? »* demande la voix lointaine.

« Lui-même », réponds-je, empli de joie. La France. J’adore la France. Ils accordent immédiatement le droit de séjour aux artistes, ils ne font aucune difficulté. Je me suis renseigné.

« Bonjour ». La voix passe à un anglais à fort accent français. « Je voulais vous demander si vous veniez au Salon du Livre de Paris cette année ? »

« Bien sûr », répondis-je joyeusement.  » J’ai été invité pour des lectures et des interviews. C’est pour moi une magnifique occasion de me faire mieux connaître en France, et je voudrais vraiment remercier mon éditeur en France, et le ministère français de la culture… » Je me lançai dans un discours, interrompu par une autre question.

« Saviez-vous que plusieurs écrivains boycottent le salon parce qu’Israël fait partie des pays invités ? »

« Non, je ne savais pas. » Je commençai à transpirer.

« Oui », dit le journaliste français. « Et je voulais vous demander : que pensez-vous du boycott ? »

« Le boycott est très bien. Pourvu qu’il y ait encore plus de boycotts de l’entité sioniste. En fait, je pense qu’on devrait enfermer tous les écrivains israéliens dans un hôtel, les mettre sous couvre-feu, boucler leurs œuvres… Mettez-les dans la pire aile de l’hôtel le plus miteux de Paris, empêchez-les de sortir de leur chambre. Et puis, coupez-leur l’électricité. Comme ça, ils auront une petite idée de ce qui se passe à Gaza. »

« Mais vous venez, non ? C’est ce que vous avez dit. »

« Sûrement pas. Je ne savais pas qu’il y avait un boycott. J’adore le boycott. Demandez à mes enfants. Je fonce dans ces cas-là. Si vous me dites qu’il y a un boycott, je m’associe immédiatement, peu importe sur quoi est le boycott, et si c’est un boycott littéraire, raison de plus. »

« Je vois, » dit le Français. « Donc, vous ne pensez pas qu’un événement comme celui-là pourrait représenter une bonne tribune pour parler des problèmes du Moyen-Orient, et que ces rencontres pourraient contribuer à promouvoir la coopération dans la région ? »

« Si, si, vous avez absolument raison », dis-je avec un parfait accent français. « Surtout les auteurs et les écrivains des deux peuples, qui peuvent avoir une influence sur leurs citoyens et lecteurs, chez eux. Le dialogue entre écrivains vaut mieux que le dialogue entre politiciens. Bien sûr, là, j’essaie d’être optimiste, mais ces rencontres sont importantes, absolument. »

« Attendez, je ne suis pas certain de comprendre. » Je pouvais entendre le Français se gratter la tête. « Alors, vous venez ? »

« Bien sûr. »

« Mais vous me disiez il y a une minute que le boycott des écrivains était important ? »

« Oui. Boycotter ces tarés qui ne font que souffler sur les braises du racisme et du nationalisme dans leur pays. Le Salon du Livre en France est une occasion en or pour les intellectuels éclairés de montrer leur mépris pour l’apartheid israélien. »

« Merci, monsieur. »*

« De rien. »

* En français dans le texte.

* Déléguée générale du SNE ( Syndicat national de l’édition)

**  article de Raphaëlle Besse Desmoulières Le monde.fr 04.03.08  

***  Arabe citoyen israélien journaliste et écrivain (en hébreu) :  Mon boycott français

La visite de l’Oncle Sam

 Ainsi, ayant attendu sept longues années pour se pencher sur  le dossier d’Israël et de la Palestine, la diplomatie républicaine ficelle depuis Annapolis une sorte d’ultimatum d’un an pour aboutir au traité de paix.

Avec sept ans de déni total des problèmes humanitaires dans les territoires palestiniens jusqu’à  la catastrophique scission politique entre Gaza et la Cisjordanie, et une sanglante guerre en Irak, l’Oncle Sam en viendrait-il  à considérer que sa politique internationale est un brûlot permanent qu’il s’agirait éteindre ?

Le miracle annoncé que serait une paix-éclair  » à l’américaine », pourrait bien n’être qu’un mirage. De fait, sa visite au Proche-Orient le montre tel qu’il est, un poisson dans le pétrole du désert arabique. Sa  tournée vise surtout à caler son éventuelle intervention en Iran – les marchands de bombes s’en frottent déjà les mains – sales.  

Il en est un qui ne semble pas confondre M. Bush  avec un messager de paix. C’est Mgr Elias Chakkour, palestinien, israélien, archevêque Grec-catholique de Galilée, chargé  d’accompagner le président au Mont des Béatitudes – à la demande du gouvernement israélien et de l’ambassade des Etats-Unis en Israël- :  » Nous sommes une voix qui crie dans le désert, et nous voulons crier avec l’espérance qu’il y a encore une pièce de terrain fertile dans sa conscience, pour qu’il comprenne que ce n’est pas comme cela qu’on régit le monde, en éliminant une nation, en oppressant une autre nation, en favorisant une troisième nation. C’est pas comme cela que l’histoire s’écrit *… »

* propos recueillis par Xavier Sartre pour Radio Vatican.

NB  Et pour les affamés de fraternité, il y a aussi « La Visite de la Fanfare » !

Un goût d’amertume

25 octobre 2007

« QUARTIER LATIN 1940 

 Que n’es-tu là Villon, Vallès, votre ironie cinglante et votre amertume pourraient donner une voix à la colère des Etudiants…

REOUVERTURE DE L’UNIVERSITE

….Nos buts sont clairs : liberté pour nos emprisonnés, liberté pour Paul LANGEVIN, liberté pour la Science. Ligués contre nous, les traîtres affolés, nous montrent le chemin : la résistance. Que nul ne puisse ignorer que les étudiants veulent la libération complète de la FRANCE. »

Ainsi s’exprimait La Relève (Organe de l’union des étudiants et lycéens communistes de France ) dans une feuille clandestine en décembre 1940. Ils demandaient la libération d’un professeur et entraient en résistance.

Soixante-sept ans plus tard, quand il s’est agi de lire dans les classes, à la demande de Nicolas Sarkozy, nouveau Président élu, la dernière lettre de Guy Môquet le 22 octobre 2007, en mémoire des 27 otages fusillés à Châteaubriant le 22 octobre 1941, qu’avait à gagner le SNES  (Syndicat des professeurs de l’enseignement secondaire) en appelant  « à construire collectivement le refus » ? Sinon, quoiqu’il s’en défende,  à « prendre le risque que la journée transforme le lycée en arène politique » ?

Mais les professeurs d’histoire sont justement là pour parler de la politique quand elle est devenue vérité historique. C’est au programme et pour la Résistance ce ne sont pas les documents qui manquent. Les témoins qui le peuvent encore, sont aussi tout prêts à dire ce qu’ils ont vécu …

Et là forcément, il y aura aussi de l’émotion, car il en fallait de l’enthousiasme, de l’exaltation, du génie pour constituer un réseau et pour survivre en combattant. Dans ces extraits de La Relève comme dans la lettre de Guy Môquet, il y a tant de courage, de lucidité, d’absence de calculs égoïstes, tant d’espoirs de servir à la libération de la France du joug nazi, que nous tous, nous y apprenons les leçons de notre histoire.

Quelle importance a alors la formule du SNES sur  » l’école … lieu de création factice d’une Union Sacrée a-critique » ? Quant au CVUH (Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire), où voit-il  » la contrefaçon mémorielle »,  » la monumentalisation (sic) de la figure de Guy Môquet » ?

L’idée que  cela pourrait faire ricaner les bourreaux d’hier m’est insupportable. Tel le ministre de l’Intérieur, Pierre Pucheu, qui avait rajouté Guy Môquet à la liste, alors que les ordres allemands donnaient 18 ans comme limite d’âge pour fusiller un otage. Il devait penser que cela augmenterait encore un peu plus la terreur dans l’esprit de « l’ensemble des Français » (sämtliche Franzosen) garant de l’intégrité de l’armée d’occupation. Et pourtant cela n’empêcha pas encore un acte de bravoure.
Léoncie Kérivel, le 21 juin 1941, voit pour la dernière fois à Châteaubriant, son mari Eugène Kérivel qui sera fusillé.  « Eugène lui apprend que sur la liste des promis au peloton figure Guy Môquet malgré ses 17 ans. Lorsque Léoncie est obligée de quitter son mari, elle se tourne vers les bourreaux français et allemands.
 » Je n’ai que lui, leur dit-elle. Fusillez-moi plutôt à la place de ce gosse ! » Mais les bourreaux ne répondent pas. »**

Ce 22 octobre 2007 me laissera un goût d’amertume …

** La Résistance Alain Guérin Tome 3 Du côté des bourreaux LCD 1973

En 2004 Commémoration du 60 ème anniversaire du Programme du Conseil National de la Résistance, adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 et appel de treize résistants de la première heure aux jeunes générations, pour que la flamme de la résistance ne s’éteigne jamais.

 

                      La Résistance                                       

Deux documentaires fictions sur  France 2 et quatre  documentaires sur France 5 – Producteur Emmanuel Giraud /  février-mars 2009