L’exploit : dix jours sans télé ni jeux vidéo

24 mai 2008

C’est ce que tentent de réaliser depuis le 20 mai 2008, à l’aide des enseignants et (bien sûr) des parents, les écoliers de l’école Ziegelwasser de Strasbourg !

C’est tellement extraordinaire que l’on veut bien croire que c’est  » une expérience unique en Europe  » ! On ne peut que féliciter chaleureusement l’école et les parents d’avoir osé  cette expérience. Les enfants en récolteront l’idée que la seule position assise – voire avachie, les yeux rivés sur un écran,  n’est pas le seul loisir possible pour les 6-11 ans.

A eux d’expérimenter la rime affichée dans l’école :  » Ecrans éteints, ça fait du bien « . Le défi est déjà lancé : qui – avec toute sa famille – tiendra 11 jours ? Allons, demandons l’impossible, qui tiendra un jour sans écran chaque semaine , juste pour continuer d’apprendre  à «  voir autrement « ?

Vu à la télé … juste avant… d’éteindre…

 

                                                                                   Dix jours après

Rassurons-nous, tous les enfants ont pu (sur)vivre et se divertir 😉 grâce à l’excellente participation éducative des adultes. Ils ont découvert un avant-goût de tout ce qu’ils pourraient créer, choisir, vivre enfin eux-mêmes, au lieu de la seule passivité grignotante des 1200h devant  » le tout-fait étouffant  » de l’audiovisuel.

Et si toutes et tous, nous pouvions oser leur redonner ainsi ce merveilleux temps de l’enfance ? Quel exploit ce serait !

                                                                      

Concernant les 12-25 ans voir  Dans la spirale des jeux vidéo  (documentaire d’Heide Breitel rediffusé sur Arte le 20.06.2008 à 9h55 / 68′)

Le scénario de l’enfant d’un an

Aldo Naouri  recommandait ce lundi-là  à  » tout un chacun  » de vivre la merveilleuse aventure du  » divan » telle que ce cher Freud l’avait concoctée pour les bourgeois viennois et leur progéniture, il y a un siècle.

Certes depuis, la science a progressé, les neuropsychiatres en savent cent fois plus que Freud sur le fonctionnement cérébral, mais qu’importe, le pédiatre nous disait que l’aventure était toujours sur le  » divan ».

Nous prîmes donc connaissance d’un tout nouveau scénario, ayant pour sujet l’enfant à la fin de sa première année. A en croire M. Naouri nul doute qu’il devrait mériter  » le biberon d’or  » de la fiction enfantine, tellement il était affolant et tragique.

Bref, avec l’émission Nonobstant d’Yves Calvi ( France Inter 19.05.08) nous étions à l’avant-première et l’émotion se fit plus grande quand Aldo Naouri nous déclara :

 » Tout un chacun, nous venons à la vie, dans un monde que nous ne connaissons pas, et notre première perception de ce monde à la fin de la première année va nous faire construire un scénario foncièrement faux … c’est-à-dire qu’à la fin de la première année, nous sommes absolument convaincus que notre mère veut notre mort (brrr) à partir du moment où nous avons cette perception-là tout le reste… va être fondé sur cette erreur… ce que la psychanalyse fait, c’est de restituer ce scénario dans sa vérité et de pouvoir éventuellement (brrrr) débarrasser la vision du monde que l’on a de tout ce qui est fondé sur cette erreur … et c’est en cela que c’est une aventure fabuleuse, dans la mesure où elle restitue quelque chose d’une vision plus exacte de ce qu’il en est du monde, de l’autre, de l’environnement, des gens, de soi-même… »

Enfin, (soupir) le film devrait bien finir pour toutes celles et tous ceux qui à un an, tout en vacillant sur leurs petites jambes avec une couche-culotte qui grattait, en auront voulu à la terre entière et tout particulièremnt à leur mère, pour cela … et pour les petits pots ; car la belle trentaine venue, ces petit(e)s veinard(e)s pourront avoir recours à la magie réparatrice du  » divan « …

Fabuleux ce  » divan « , mais on a eu quand même un peu peur !

                                                          **********

 

Le ” premier sexe ” et la délinquance

  Il se pourrait que Simone de Beauvoir ait été injuste envers la femme en la nommant «  le deuxième sexe «  *. D’ailleurs,  les statistiques judiciaires de la délinquance** ne lui donnent pas raison non plus, car si la femme arrive  deuxième, très loin derrière l’homme pour les délits et les crimes, c’est justement elle qui montre l’exemple !

En ces temps de réflexion sur l’éducation morale et citoyenne,  » le deuxième sexe  » ne serait-il pas décidément une chance et un modèle pour  » le premier  » ?

C’est pourquoi, plutôt que le titre de l’ouvrage, je préfère sa conclusion puisée dans Marx*** : « … le rapport de l’homme à la femme est le rapport le plus naturel de l’être humain à l’être humain. Il s’y montre donc jusqu’à quel point le comportement naturel de l’homme est devenu humain … »  j’ajoute même, et deviendra encore plus humain. Le poète Aragon en a eu l’intuition :  » la femme est l’avenir de l’homme « .

        La tâche urgente de notre humanité est de veiller à l’éducation des  garçons, pour qu’ils puissent faire aussi bien        que les filles ; cela ferait  90% de criminalité en moins.

Devenons plus humains ensemble. La parité homme / femme nous y aiderait.

                                                              ***

* Le deuxième sexe Simone de Beauvoir, Gallimard, Folio essais. NB Selon Josyane Savigneau – Le Monde 18.07.08- c’est   » Jacques Bost, auquel il est dédié, [qui] en avait trouvé le titre. «  !

**   » Mais les données sont encore plus clivées si l’on s’arrête sur les individus condamnés. Pour les actes les plus graves, les crimes, les hommes représentent  95% des condamnations en 2005…Pour les délits, les mâles représentent 90,4% des personnes condamnéesLa situation est similaire en matière de délinquance routière : les hommes représentent 92,3% des délits sanctionnés en 2006 ( conduite en état d’ivresse, délit de fuite, usage de stupéfiants, etc.). [petit rappel] :  » les femmes (51,4% de la population française)  » citation extraite de l’article de Luc Bronner, Délinquance : le problème, c’est l’homme Le Monde 03.05.2008 

***  Oeuvres philosophiques, tome VI. C’est Marx qui souligne.

                    certes,  je bouscule les dogmes des trois monothéismes qui, depuis des millénaires, méprisent, malmènent, ou rejettent les femmes …  loin, très loin de leurs instances de pouvoir. Et je pose la question : à qui profitent les crimes ?  sûrement pas à notre humaine condition.

Le soin par le jeu vidéo ou acharnement virtuel ?

 Sigmund Freud constaterait tout comme nous l’incroyable emprise « des univers oniriques * » des jeux vidéo sur les jeunes cerveaux. Les enfants sont fascinés et en redemandent tellement que la certitude de profits colossaux exacerbe l’imagination des adultes concepteurs. On voit ainsi leurs talents faire merveille pour parvenir à transformer nos paisibles bambins en patients (sic) pour le plus grand bonheur de modernes psychanalystes eux-mêmes  » accros  » aux jeux vidéo.

Les symptômes sont là. Fatigués, abrutis, grognons, opposants ou agressifs, les enfants ne réussissent plus à travailler à l’école, du coup ils se réfugient encore plus dans le virtuel.  Bref, la société marchande les dote d’un véritable  handicap socioculturel pour leur évolution et leur réussite scolaire. Qu’à cela ne tienne, la science (ou magie ?) psychanalytique partant du postulat que  » l’inconscient dans notre société est devenu très visuel « , invente  le soin par le jeu vidéo. D’où l’étrange raisonnement qui consiste à nous faire croire que d’imposer à l’enfant toujours plus de sollicitations audio-visuelles  lui  » permet de projeter à l’extérieur des choses qui sont difficiles à dire. » 

Finis le calme, les dessins, les jeux, les jouets, place à l’écran géant et aux bruits. Plus besoin d’avoir ses propres rêves, l’enfant vit et agit dans les cauchemars virtuels des adultes grâce à « toutes les consoles de jeux disponibles sur le marché « . Il accumule sans fin des images et des sons, refait mécaniquement toujours les mêmes gestes. Ce soin par le jeu video ne serait-il pas un acharnement virtuel  lui aussi, vers une véritable dépendance ? 

Avec l’illusion érigée en théorie que ces jeux vidéo-là correspondraient justement à l’univers émotionnel de cet enfant-là et  lui  serviraient d’exutoire. Avec l’illusion que toujours plus d’images animées excessivement lumineuses et sonores, induisant une incroyable surexcitation,  permettraient à l’enfant de se retrouver lui-même, dans sa propre vie et en sécurité affective, avec ses propres sensations et ses vrais sentiments.

En effet, il faut bien se poser la question : comment un enfant déjà fragilisé, réussira-t-il à se guérir aussi de l’emprise du virtuel, à échapper à sa tyrannie, pour que sa vie réelle toute simple  en famille, à l’école, lui apparaisse à nouveau comme une belle aventure, sa belle aventure ?  

                                                                                                    

*  citations de Michael Stora, psychanalyste, extraites de l’article de Séverine Fiévet : Le virtuel pour soigner les enfants en difficulté Le Monde 05.03.2008

 

        cf ma note L’exploit : dix jours sans télé ni jeux vidéo  du 24 mai 2008

        Concernant les 12-25 ans voir  Dans la spirale des jeux vidéo  (documentaire d’Heide Breitel rediffusé sur Arte le 20.06.2008).      

Qui a peur de la lecture à l’école maternelle ?

On connaissait   la peur du loup.  Est-ce la lecture du Petit Chaperon rouge qui a communiqué à une inspectrice générale de l’éducation nationale, un(e) maître de conférences en sciences du langage à l’IUFM de Versailles  et  à Alain Bentolila, professeur de linguistique à Paris-V, la peur de la lecture en grande section maternelle ?

En tout cas, il n’est actuellement de bon colloque * sur la formation des enseignants,   qui ne réactive ce frisson d’angoisse. Si bien que le prochain rapport de M. Bentolila sur la refondation de l’école maternelle lui fera, à n’en pas douter la part belle.

 Il est en effet celui qui, dès la fin du siècle dernier, a  mis en garde les enseignants contre le code graphique de l’écrit, d’une  » d’une telle complexité « ** qu’il bloque la communication.

Saperlipopette ! la lecture n’est pas un jeu pour les enfants !   Ce Barbe-bleue de la linguistique nous a  conté  » l’ aventure  » pendant laquelle, dans quatre-vingts classes des Yvelines,  il verrouilla tout préapprentissage de la lecture, son postulat étant  » qu’il ne faut pas proposer à un enfant de cinq ans un système d’adulteafin que les enfants forgent eux-mêmes la clé qui ouvre la porte de l’écrit… » 

Avec une abondante illustration,  il nous narre comment on peut communiquer avec pictogrammes et idéogrammes au premier trimestre et  dessiner encore une   vingtaine de phonogrammes jusqu’en avril.  Est-ce  l’effet du printemps ? mais  en mai et juin  “l’enfant doit être immergé dans un bain d’écrit, il doit manier (sic) des illustrés des affiches, des livres surtout.”

Surtout ? Enfin serait plus juste. Ce n’est pas très grave pour tous les enfants dont l’immersion dans l’écrit remonte aux premiers bains, mais comment ne pas penser aux autres dont la  seule plongée culturelle se fait à l’école maternelle ?

Ceux-là, Alain Bentolila les laisse à la porte de la « grande école » après avoir dit aux enseignants de leur  » présenter un tableau de correspondance avec les lettres de l’alphabet ; … non pas pour les leur faire acquérir mais simplement pour leur montrer qu’un autre code leur sera proposé,… un code d’adultes dont on leur montre l’utilisation dans des livres, sur des affiches. »  

 La clé forgée pendant un an et décorée de petits dessins n’ouvrira pas la porte de l’écrit, elle ne facilitera aucunement le futur apprentissage.  Alors que l’histoire de Barbe-bleue se termine bien, il se pourrait que nos jeunes « grands écoliers » aient à leur tour la peur d’apprendre à lire. 

Et ne trouvez-vous pas cette fin : ils ne furent pas heureux et ils n’apprirent pas à lire…   teRRiblement injuste ? 

* La maternelle doit se recentrer sur l’apprentissage du langage oral article de Martine Laronche et Catherine Rollot Le Monde 6/12/07

**  Les premiers pas dans le monde de l’écrit  A. Bentolila  in Recherches actuelles sur l’enseignement de la lecture  Retz 1976