L’autre siège de Calais

Certes, l’Angleterre d’ Elizabeth II  n’est pas celle d’Edouard III… ni  la France de 2016, le royaume de Philippe VI ; et  » six des plus notables bourgeois de Calais -patrons d’industrie ayant licencié des milliers de Calaisiens- pour embaucher en Chine – ne sortiront pas de Calais « tête nue, sans chausses, la corde au cou »  (1) pour apporter les clefs de la ville à Elizabeth II.

Mais depuis ces vingt dernières années,  la convention Schengen (2) a ouvert les frontières  de l’Union européenne aux mafias des passeurs, gagnant des milliards d’euros, alors que le Royaume-Uni  fermait les siennes, non pas à Douvres, mais à Calais, sur des milliers de migrants dont le seul but, est d’entrer en Angleterre.  Et depuis ce temps, notre bonne ville de Calais doit vivre, prisonnière de l’imbroglio anglais entre les « jungles » et les « campements sauvages ».

Pour ajouter de l’inextricable à la confusion générale, en 1999,  la France – sans anticiper les conséquences-, fit ouvrir un centre d’accueil de la Croix-Rouge à Sangatte vu aussitôt de loin, par les Britanniques « comme un réservoir d’immigrants clandestins ».
Ils obtinrent sa fermeture en 2002 … mais  depuis la  lourde charge de veille sanitaire et sociale sur leurs milliers de migrants clandestins  incombe toujours à Calais, aux Calaisiens, au département du Pas-de-Calais, à la France …

Messieurs les Anglais,  votre fameux « fair play »(3) ressemble à une franche traîtrise.

Car si l’essai du Touquet (4) fut une avancée, il devient urgent de le transformer, à la loyale,  par un prochain accord bilatéral juste et pragmatique.  Il serait temps de revoir  « les modalités pratiques de la participation britannique à l’espace Schengen » ; il est clair, en effet que le traité du Touquet  n’a pas atteint son objectif qui était « le renforcement de la coopération franco-britannique dans le domaine de la lutte contre l’immigration clandestine » vers le Royaume-Uni.

Jusqu’à présent, les gouvernements n’ont fait que  ratiociner sur la clause de présentation par le migrant de sa demande d’asile ou de protection avant ou après la fermeture des portes du train ou avant ou après le départ du bateau  (!) pour l’Angleterre, alors que cette procédure de demande d’asile est fondamentale  pour l’accueil Outre-Manche ; celle qui mérite l’attention et le sérieux des négociateurs.

On y verrait enfin une volonté réelle de coopération des Anglais puisque de fait ce sont eux qui commandent l’octroi ou non du statut de demandeurs d’asile aux migrants.

Le Consulat de Grande-Bretagne sis à Calais, 20 rue du Havre et l’Ambassade du Royaume-Uni – terminal Est,  sembleraient être  les lieux privilégiés dans lesquels un personnel britannique ad hoc pourrait officialiser l’enregistrement de leurs migrants et diligenter   les enquêtes  sur la présence des  familles etc. Pendant le temps de l’examen de chaque dossier de 24 à 48h maximum, le migrant serait en attente dans un local sous la responsabilité britannique puisque la décision leur appartient.

Mais hélas !

Alors que Calais, « la ville la plus sinistrée par le chômage en France » (5)   avec ses 15 000 chômeurs voit un tiers de sa population atteindre le seuil de pauvreté, l’incurie de la coopération franco-britannique est à son comble !

Alors que la terreur islamique  jette toujours plus les Irakiens, les Syriens, sur les routes de l’exode et  que la disparition de milliers d’emplois ruine l’économie calaisienne, la population subit désormais une double peine avec les violences, les émeutes, et les cris de haine des migrants, contre elle, contre la France…

♦ Pendant ce temps,  que fait le président normal  inch’allah ?

Eh bien ! Après avoir fait la fête (6)  cette dernière semaine de février, en s’offrant le voyage de la Polynésie à l’Amérique latine,
le 4 mars 2016, il a fait sa cour au royaume islamique d’Arabie saoudite,
en décorant de la légion  d’honneur le prince héritier, Mohammed ben Nayef,
celui-là même qui finance les terroristes de l’État islamique, ceux qui jettent les migrants sur les routes !

 Ainsi la boucle est bouclée. On sait déjà que ce n’est pas le dernier gouvernement d’un Hollande en goguette qui aura l’esprit et la sagesse d’initier une nouvelle coopération franco-britannique …

En 2012,  il nous disait sûr de lui (!) :  » le changement c’est maintenant ! »
On l’imagine bien nous dire maintenant  :  » vous voyez, j’avais raison : avec moi c’est pire – ET vous n’avez pas encore tout vu !  »

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1 Le siège de Calais par Edouard III dura un an de 1346 à 1347, lorsque la population fut réduite à la famine. Jean Froissart restitue dans Les Chroniques de France (1373) la remise des clefs de la ville et du château à Edouard III qui l’exigea de « six des plus notables bourgeois, tête nue, sans chausses, la corde au cou (…).[et dit-il] De ceux-là, je ferai ma volonté. Je ferai miséricorde au reste. Il commanda qu’on leur coupa tantôt la tête. »  

2   Cf. Les accords de Schengen Vie publique

3  jeu loyal

4 Cf. Rapport de M. André Boyer, sénateur, au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l’approbation du traité du Touquet signé le 4 février 2003 entre le Royaume-Uni et la France

5   Calais, la ville la plus sinistrée par le chômage en France   Reportage de Caroline Sinz et Dominique Masse pour France 2      Francetvinfo.fr 

6   Les coulisses du voyage de Hollande au bout du monde     Solenn de Royer 29.02.2016   Le Figaro.fr