11 novembre 1940 : la jeunesse citoyenne donnait l’exemple

11 novembre 2015

C’était il y a 75 ans dans un pays appelé « État français » gouverné depuis le 16 juin 1940 par le maréchal Pétain (1) qui s’était « engagé dans la voie de la collaboration » avec le caporal Hitler pour en finir avec la République française, bâillonner et affamer son peuple, le livrer à la barbarie nazie et à ses nervis de la Milice.

Les armées hollandaise, belge, luxembourgeoise, britannique et française n’avaient pu s’opposer  à l’offensive allemande. La « Bataille de France »  dura 45 jours, du 10 mai au 14 juin 1940, jour mémorable où les soldats de la Wehrmacht et leurs blindés défilèrent dans Paris, ville ouverte.

Le 17 juin,  Pétain décréta le cessez-le-feu et demanda l’armistice tandis que le même jour, le général de Gaulle (2) s’envola pour l’Angleterre où le lendemain 18 juin 1940, il devait par son Appel à tous les Français fonder le premier acte de Résistance.  Le 22 juin, l’armistice était signé à Rethondes et le 10 juillet, dans le casino de Vichy,  sur les 666 présents, 569 députés et sénateurs votèrent les pleins pouvoirs à Pétain , 80 (SFIO- radicaux  et divers) votèrent contre et 17 s’abstinrent. (les  députés communistes ayant été déchus de leurs mandats).
Après cette séance parlementaire inaugurale de la collaboration , Pierre Laval pouvait dire à de la Pommeraye : « Et voilà, mon cher, comment on renverse une République ! », et Jacques Doriot, crier en pleine rue de Vichy, à Marx Dormoy (3) :  » Nous aurons ta peau , ça ne tardera pas ! »

Le 24 octobre 1940, Pétain fut si réjoui de sa poignée de main au bourreau nazi à Montoire qu’il la conta ainsi le 30 octobre à Radio Paris :  » Français, j’ai rencontré jeudi dernier le chancelier du Reich. C’est librement (sic) que je me suis rendu [dans le Loir-et-Cher !] à l’invitation du Führer ».
La terrible collaboration était scellée.

L’arrestation par la gestapo le 30 octobre 1940 des professeurs Langevin et Rivet à l’École supérieure de physique et de chimie, relevés de leurs fonctions et emprisonnés, fut dans le milieu enseignant et étudiant l’autre signal fort pour entrer en Résistance.

Et quand Pétain  supprima  le jour férié  du 11 novembre et interdit toutes cérémonies commémoratives  « pour ne pas offenser la Wehrmacht »,  les étudiants, toutes tendances confondues, rédigèrent un tract exemplaire de lucidité, de courage et de citoyenneté :
Étudiant de France
Le 11 novembre est resté pour toi jour de
         Fête nationale
Malgré l’ordre des autorités opprimantes
           il sera
         Jour de Recueillement
Tu n’assisteras à aucun cours
Tu iras honorer le Soldat Inconnu
Le 11 novembre 1918 fut le jour
        d’une grande victoire
Le 11 novembre 1940 sera le signal
          d’une plus grande encore (…)

Le 11 novembre 1940  fut une journée historique pour la France ; une journée de « la Montée à l’Étoile » où les 3000 enseignants, lycéens et étudiants furent rejoints par des milliers de personnes en fin d’après-midi et entonnèrent tous ensemble, sous l’Arc de Triomphe, une formidable Marseillaise ; une journée qui augurait par son enthousiasme, sa ferveur et sa jeunesse, tout ce que notre peuple allait entreprendre et souffrir, pour se libérer, pour vaincre, pour retrouver sa dignité et sa République.

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1  Président du conseil nommé par Albert Lebrun, dernier Président de la Troisième République.
2  Secrétaire d’État à la Défense.
3 Ancien ministre de l’Intérieur – proche de Léon Blum. Il sera assassiné à Montélimar dans l’explosion d’une bombe, le 25 juillet 1941.
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Sources
La Résistance Chronique illustrée 1930-1950 Tome 2 et Tome 3 Alain Guérin Livre Club Diderot 1973
Documentaire  Les Rebelles du 11 novembre 1940  G.-M. Benamou