Qui a peur de la lecture à l’école maternelle ?

On connaissait   la peur du loup.  Est-ce la lecture du Petit Chaperon rouge qui a communiqué à une inspectrice générale de l’éducation nationale, un(e) maître de conférences en sciences du langage à l’IUFM de Versailles  et  à Alain Bentolila, professeur de linguistique à Paris-V, la peur de la lecture en grande section maternelle ?

En tout cas, il n’est actuellement de bon colloque * sur la formation des enseignants,   qui ne réactive ce frisson d’angoisse. Si bien que le prochain rapport de M. Bentolila sur la refondation de l’école maternelle lui fera, à n’en pas douter la part belle.

 Il est en effet celui qui, dès la fin du siècle dernier, a  mis en garde les enseignants contre le code graphique de l’écrit, d’une  » d’une telle complexité « ** qu’il bloque la communication.

Saperlipopette ! la lecture n’est pas un jeu pour les enfants !   Ce Barbe-bleue de la linguistique nous a  conté  » l’ aventure  » pendant laquelle, dans quatre-vingts classes des Yvelines,  il verrouilla tout préapprentissage de la lecture, son postulat étant  » qu’il ne faut pas proposer à un enfant de cinq ans un système d’adulteafin que les enfants forgent eux-mêmes la clé qui ouvre la porte de l’écrit… » 

Avec une abondante illustration,  il nous narre comment on peut communiquer avec pictogrammes et idéogrammes au premier trimestre et  dessiner encore une   vingtaine de phonogrammes jusqu’en avril.  Est-ce  l’effet du printemps ? mais  en mai et juin  “l’enfant doit être immergé dans un bain d’écrit, il doit manier (sic) des illustrés des affiches, des livres surtout.”

Surtout ? Enfin serait plus juste. Ce n’est pas très grave pour tous les enfants dont l’immersion dans l’écrit remonte aux premiers bains, mais comment ne pas penser aux autres dont la  seule plongée culturelle se fait à l’école maternelle ?

Ceux-là, Alain Bentolila les laisse à la porte de la « grande école » après avoir dit aux enseignants de leur  » présenter un tableau de correspondance avec les lettres de l’alphabet ; … non pas pour les leur faire acquérir mais simplement pour leur montrer qu’un autre code leur sera proposé,… un code d’adultes dont on leur montre l’utilisation dans des livres, sur des affiches. »  

 La clé forgée pendant un an et décorée de petits dessins n’ouvrira pas la porte de l’écrit, elle ne facilitera aucunement le futur apprentissage.  Alors que l’histoire de Barbe-bleue se termine bien, il se pourrait que nos jeunes « grands écoliers » aient à leur tour la peur d’apprendre à lire. 

Et ne trouvez-vous pas cette fin : ils ne furent pas heureux et ils n’apprirent pas à lire…   teRRiblement injuste ? 

* La maternelle doit se recentrer sur l’apprentissage du langage oral article de Martine Laronche et Catherine Rollot Le Monde 6/12/07

**  Les premiers pas dans le monde de l’écrit  A. Bentolila  in Recherches actuelles sur l’enseignement de la lecture  Retz 1976