Par la lunette du sociologue

 Pour Marwan Mohammed*, c’est un fait scientifique avéré : l’idée que   » les bandes de banlieue incarnent le danger social… matérialisent l’insécurité… » est au plus une  » attitude collective « ,  » un objet social [qui] n’a jamais été défini précisément « , voire  » une représentation « .  D’ailleurs, selon lui  » L’observateur extérieur « (non sociologue) confondra facilement « un groupe d’adolescents qui ont le malheur de porter des capuches [avec] un regroupement de jeunes ayant un objectif criminel. »

 Ce fait est bien documenté depuis le Moyen-Age,  » il y a toujours eu des regroupements de jeunes avec un caractère conflictuel ou transgressif « … »et ces bandes étaient déjà montrées du doigt pour des viols collectifs, des violences en groupe, des bagarres, des troubles, etc. »

Mais le sociologue observe que  » mis à part l’aspect ludique ou quelques opportunités délinquantes, derrière les émeutes, il y a des colères et des demandes de changement. »  

Bref, ses études lui permettent désormais d’y voir plus clair dans la psychosociologie de ces groupes de jeunes et d’affirmer qu’ils veulent ainsi changer les  » situations économiques et sociales « , changer  » le regard porté par la société  » et changer « certaines pratiques policières« .

Donc, sociologiquement parlant : point n’est besoin pour les garçons de faire comme les filles et de travailler à l’école, au collège, ou au lycée, point n’est besoin pour eux de lire, de réfléchir etc. Ils ont  » la bande … [qui] offre une forte visibilité (sic) et de la reconnaissance à des jeunes qui se sentent invisibles parce qu’en échec scolaire ou professionnel. Elle [leur] offre une histoire. »

Et quelle histoire ! Un garçon, non seulement cela peut jouer à mettre le feu au quartier, mais c’est bon pour lui, c’est bon pour la survie du groupe.

Où voir « un danger social » puisque le but de la bande est de changer la société ? Et en effet, cela change tout pour celui ou celle qui n’a plus sa voiture, son école, son magasin, son autobus, son gymnase ; pour celui ou celle qui est blessé(e), brûlé(e), lapidé(e)… pour la collectivité qui financera les millions d’euros de la reconstruction

Pour celles et ceux qui sont spectateurs, pour les voisins, les gardiens de HLM, les animateurs de MJC, les enseignants, les maires, les pompiers et les policiers, la réalité est visiblement différente car  » l’aspect ludique ” disparaît vite dans la fumée. 

 La bande instaure ses propres lois, son code moral, son code pénal.  Gare aux contrevenants, à  » la police – qui rentre malheureusement dans le jeu en utilisant aussi le registre de l’intimidation, du viril et de l’informel« .

Serait-ce qu’en laissant la bande gouverner, le quartier pourrait devenir comme  elle,    » un espace de solidarité et de convivialité  » ? Quel dommage que ses habitants n’y voient que du feu !  

* sociologue au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales. Ses propos sont extraits de son entretien avec Luc Bronner Le Monde 9.10/12/ 2007