JOAL
Joal !
Je me rappelle.
Je me rappelle les signares à l’ombre verte des vérandas
Les signares aux yeux surréels comme un éclair de lune
sur la grève.
Je me rappelle les fastes du Couchant
Où Koumba N’Dofène voulait faire tailler son manteau
royal.
Je me rappelle les festins funèbres fumant du sang des
troupeaux égorgés
Du bruit des querelles, des rhapsodies des griots.
Je me rappelle les voix païennes rythmant le Tantum
Ergo
Et les processions et les palmes et les arcs de triomphe.
Je me rappelle la danse des filles nubiles
Les choeurs de lutte – oh ! la danse finale des jeunes
hommes, buste
Penché élancé, et le pur cri d’amour des femmes – Kor
Siga !Je me rappelle, je me rappelle…
Ma tête rythmant
Quelle marche lasse le long des jours d’Europe où
parfois
Apparaît un jazz orphelin qui sanglote sanglote
sanglote.
Chants d’ombre – Oeuvre poétique Editions du Seuil – 2006
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p.435 Lexique
(…) « J’ajouterai que j’écris, d’abord, pour mon peuple. Et celui-ci sait qu’une kora n’est pas une harpe, non plus qu’un balafon un piano. Au reste, c’est en touchant les Africains de langue française que nous toucherons le mieux les Français et, par-delà mers et frontières, les autres hommes.
Cependant, mon intention n’est pas de faire de l’exotisme pour l’exotisme, encore moins de l’hermétisme à bon marché. C’est pourquoi, ai-je pensé, il n’était peut-être pas inutile de donner une brève explication des mots d’origine africaine employés dans ce recueil. (…)
signare : mot sénégalais qui vient du portugais senhora, » dame « . Il désignait, autrefois, la dame de la bourgeoisie métisse.
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