« C’est du dernier bourgeois ! »

31 décembre 2012

Note relue le13 mai 2019

Du temps de Molière, les Précieuses ridicules (scène IV), en disant : c’est « du dernier bourgeois » nommaient le dernier degré de la vulgarité ; cela correspond bien au répertoire de M. Élie Yaffa, alias Booba,  «rappeur-en- bouillie -de -mots»,  frais médaillé de la Monnaie de Paris – chanteur préféré de Mme Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication.

Et des bourgeois aimant la vulgarité, il n’en manque pas dans le petit peuple de la culture et des médias !
De Laurent Ruquier qui l’invita  sur un plateau de France 2, aux membres du Conseil culturel  de la Monnaie de Paris, l’homme  a conquis la bourgeoisie ridicule,  la «bobofitude» toujours médusée par la grosseur d’un portefeuille.

Mme Véronique Cayla ,  Présidente de la chaîne de télévision franco-allemande Arte, siège dans ce Conseil culturel. On  savait déjà depuis Le mauvais goût du «Arte WebSlam» ,  combien la chaîne -par opportunisme- était perméable à la vulgarité des textes.
Pour la musique,  elle a pu compter sur son collègue, M. Jean-François Dubos,  Président du Directoire de Vivendi et administrateur de Canal Plus,  et néanmoins ami de Mozart, de la musique baroque et du  festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence. L’amateur éclairé a vite perçu tout l’intérêt qu’il aurait à flatter un tel génie de «l’art rappique» pour l’inscrire  dans son catalogue Universal.

Suivant leur conseil  avisé, la Monnaie de Paris a donc enrichi son  « programme culturel »  de la vente de médailles de l’encapuchonné, aux  bourgeois parisiens de la Nuit blanche 2012.
Puis, considérant qu’elle devait en faire plus pour, selon sa devise, « frapper les esprits  (sic) »,  elle a frappé très fort avec une médaille réalisée par Mohamed Bourouissa, portant l’effigie  de l’idole de Mme Filipetti et elle la vend au même prix que le Coffret du 70 ème anniversaire de l’Appel du 18 juin 1940.

Ainsi, pour M. Christophe Beaux, PDG de la Monnaie de Paris,  c’est vraiment « du dernier bourgeois » que de donner autant de valeur à des criailleries immatures  qu’à un appel à la Résistance  des Français contre les nazis.

Quand on entend  M. Élie Yaffa alias Booba nous seriner à l’oreille  « Quinze dans le chargeur / six dans le barillet », dans Tombé pour elle , on devine que l’homme aime surtout la musique des armes à feu ; à  tel point que le favori de la ministre les fait figurer dans ses armoiries.

En guise de conclusion navrée, l’ambition culturelle du quinquennat de M. Hollande sera-t-elle de gaver la jeunesse de la culture vulgaire des ignorants de la langue française et autres haineux violents ?  … juste pour faire plaisir aux bourgeois de Paris ?

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Mais parce que la poésie est lien fraternel – parce que le père d’ Élie Yaffa est un Sénégalais et sa mère une Française

parce que le «rappeur» encore jeune pourrait comprendre tout ce que l’on peut exprimer  de subtil, de bon, de fort et de généreux avec la langue française

– lisons ensemble ce poème du beaucoup plus grand que luiLéopold Sédar Senghor :

     Femmes de France                à Mademoiselle Jacqueline Cahour

Femmes de France, et vous filles de France

Laissez-moi vous chanter ! Que pour vous soient les
       notes claires du sorong*.

Acceptez-les bien que le rythme en soit barbare, les
accords dissonants

Comme le lait et le pain bis du paysan, purs dans ses
         mains si gauches et calleuses !

Ô vous, beaux arbres debout sous la canonnade
         et les bombes
Seuls bras aux jours d’accablement, aux jours de désespoir
          panique

Vous fières tours et fiers clochers sous l’arrogance du soleil de Juin
Vous clair écho au cri du Coq gaulois !
Vos lettres ont bercé leurs nuits de prisonniers de mots
      diaphanes et soyeux comme des ailes

De mots doux comme un sein de femme, chantants
       comme un soleil d’avril.
Petites bourgeoises et paysannes, pour eux seuls vous
       ne fûtes pas avares

Et leurs fronts durs pour vous seules s’ouvraient, et
      leurs mots simples pour vous seules
Étaient clairs comme leurs yeux noirs et la transparence
      de l’eau.

Seules vous entendiez ce battement de cœur semblable
     à un tam-tam lointain
Et il faut coller son oreille à terre et descendre de son
      cheval.

Pour eux vous fûtes mères, pour eux vous fûtes sœurs.
Flammes de France et fleurs  de France, soyez bénies !

(extrait du recueil Hosties noires 1948 / Œuvre poétique/ Gallimard)
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* mot employé chez les Peuls du Fouta Dyallong pour désigner une sorte de kôra

  Léopold Sédar SENGHOR  de l’Académie française

Grand-croix de la Légion d’honneur / Grand-croix de l’ordre national du Mérite / Commandeur des Arts et des Lettres
Commandeur des Palmes académiques / Grand-croix de l’ordre du Lion du Sénégal 
Chef d’État
Poète

NB   Pour commémorer en 2013, le cinquantième anniversaire de son Prix de la langue française (1963) et le trentième anniversaire de son entrée à l’Académie française (1983),

il reste au Conseil culturel à convaincre M. Beaux, PDG de la Monnaie de Paris, de rendre un bel hommage à Léopold Sédar Senghor, celui qui a tant aimé et tant magnifié la langue française – après le médiocre Élie Yaffa, alias Booba, honorer le grand maître.
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