Qui furent ceux qui composèrent le gouvernement de la Commune de Paris, gouvernement qui dura à peine le temps du Printemps 1871, du 28 mars au 28 mai ?
Edmond de Goncourt écrivait dans son « Journal » qu’il n’en connaissait aucun, et les méprisait tous, avec le dédain de l’aristocrate. En effet, dans quels salons de la « bonne société » du Faubourg Saint-Germain, aurait-il pu rencontrer ces élus républicains ?
Auguste Blanqui – fils de sous-préfet mais ayant surtout fréquenté les prisons du royaume et de l’empire pendant 33 ans – , Albert Theisz – ouvrier ciseleur sur bronze-, Simon Dereure – cordonnier-, Jean-Baptiste Clément – poète et chansonnier- Théophile Ferré – clerc d’avoué -, ou Auguste Vermorel – homme de lettres, journaliste- élus du 18ème arrondissement ( Butte-Montmartre) ?
ou encore Jules Bergeret – correcteur d’imprimerie -, Gabriel Ranvier – ouvrier décorateur -, et Gustave Flourens – biologiste, Professeur au Collège de France -élus du 20ème arrondissement ( Ménilmontant) ? … etc…
Comment en effet, M. de Goncourt aurait-il pu croiser Eugène Varlin ou Benoît Malon « au fond de la courette du 44 rue des Gravilliers dans le 3ème arrondissement, au cœur du vieux Paris des artisans, dans un atelier de quatre mètres de long sur trois mètres de large **», dans ce qui fut le premier bureau de la Commission parisienne de l’Association Internationale des Travailleurs appelée la Première Internationale ?
Jules Vallès ( élu du 15ème arrondissement -Vaugirard) l’a décrit avec fougue et lyrisme : « Quelle journée ! Ce soleil tiède qui dore la gueule des canons, cette odeur de bouquets, le frisson des drapeaux ! Le murmure de cette Révolution qui passe tranquille et belle comme une rivière bleue, ces tressaillements, ces lueurs, ces fanfares de cuivre, ces reflets de bronze, ces flambées d’espoirs, ce parfum d’honneur, il y a là de quoi griser d’orgueil et de joie l’armée victorieuse des Républicains !*** »
La bourgeoisie d’affaires avait alors un leitmotiv qui rappelle lugubrement celui de 1936 : « Plutôt Hitler que le front populaire » ; celle de 1871 proclamait : « Plutôt les Prussiens et perdre l’Alsace et la Lorraine, que les communards ! »
De chaque crise, de chaque guerre qui anéantit les pauvres, l’internationale capitaliste sort toujours victorieuse et féconde. ___________________
C’est pourquoi, dans la confusion du débat actuel sur la défense de la laïcité, pour retrouver les fondamentaux de notre République si chèrement acquis dans le sang des Républicains de 1789, de1830, de 1848 et de 1871, il faut se souvenir du 2 avril 1871, – alors que commençait le second siège de Paris ordonné par Thiers, quand retentissaient « les premiers coups de canon tirés par Vinoy sur les banlieues et quartiers périphériques*».
Il faut se souvenir de ce jour où « le Conseil de la Commune présidé par Gustave Lefrançais ( instituteur- élu du 4ème arrondissement – Hôtel de Ville), vota à l’unanimité, un décret séparant l’Église et l’État. Il comportait quatre « considérants ».
Deux sur quatre de ces considérants se référaient à la notion de liberté. Ils stipulaient que le premier des principes est la liberté et que la liberté de conscience est la première des libertés. Le troisième considérant s’attaquait au budget des cultes, qualifié de contraire au principe, puisqu’il impose les citoyens contre leur propre foi. Le quatrième accusait le clergé d’avoir été le complice de la monarchie contre la liberté. A chacun de ces considérants correspondait dans le corps du décret un article.
Ces quatre articles se lisaient comme suit :
Article premier. – L’Église est séparée de l’État.
Art. 2. – le budget des cultes est supprimé.
Art. 3. – Les biens dits de mainmorte, appartenant aux congrégations religieuses, meubles et immeubles, sont déclarés propriété nationale.
Art. 4.- Une enquête sera faite immédiatement sur ces biens pour en constater la nature et les mettre à la disposition de la nation.
Ce faisant, les élus de la Commune n’innovaient pas : ils revenaient aux sources de la Révolution française.»*
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* Grande histoire de la Commune Georges Soria (Introduction de Henri Guillemin) éditions Robert Laffont pour le Livre Club Diderot 1970
** Eugène Varlin Militant ouvrier, révolutionnaire et Communard Jean Bruhat Éditeurs Français Réunis 1975
*** Jules Vallès Le Cri du Peuple Mardi 28 mars 1871 / Œuvres complètes tome III Livre Club Diderot 1969