Note revue le 15 février 2013
Un an après Gomorra, film courageux parce que sans pitié pour la mafia qui n’a de pitié pour personne, le film Un prophète de Jacques Audiard se replace dans la perspective de la fabrication du « héros* » (sic) mafieux, dans la re- création du mythe cinématographique du parrain à la sauce napolitaine, sicilienne, ou américaine.
La distribution des rôles est parfaitement réaliste ; elle donne un aperçu de l’actuelle population carcérale. Celle qui a voulu échapper à toute éducation, à toute morale civique, à tout enseignement… jusqu’à la case prison. C’est ainsi et c’est redoutable d’ignorance et de sauvagerie.
Entre la communauté-gang corse et la communauté-gang barbue (islamistes), Malik ** 19 ans n’aura pas la liberté d’évoluer dans le bon sens, ni de se poser les bonnes questions ; et le cinéaste nous impose d’emblée sa vision d’une administration pénitentiaire totalement à la solde des assassins.
Malik apprend à coudre, à lire et … à tuer selon le manuel du parfait sale petit mafieux. Il apprend comment on devient un chef et il prépare sa réinsertion (sic) en mettant en place, à l’insu des Corses et des barbus mais grâce à eux, son premier système de « go fast » entre Marbella et l’Ile-de-France : l’apprenti mafieux sait que « d’honnêtes citoyens français (sic) », en attente pathologique de leur drogue, seront vite ses plus fidèles clients, ses meilleurs complices.
Cf. ma note du 18 juillet 2012 : A Nanterre, procès du petit peuple stupéfiant de la « culture » et des médias
L’art de J. Audiard consiste à nous dévoiler un univers carcéral qui fonctionnerait « hors la loi » prêt à accoucher régulièrement de nouveaux monstres. Je me garderais bien de trouver « exaltant » *** un tel parcours, mais le cinéaste nous livre un documentaire réaliste, en prophète de mauvais augure.
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* David Fontaine (Le Canard enchaîné 26.08.09) est dans cette mouvance, fasciné par ce qu’il appelle « une rare figure de héros arabe » (sic).
Pourquoi cet abêtissement à ne voir de « héros » que dans la délinquance criminelle qu’il s’agisse de Mesrine ou de mafieux, alors que ce ne sont que des brutes malfaisantes ?
** L’acteur Tahar Rahim est excellent. On lui souhaite d’autres films pour échapper à cette sordide image.
*** Article de Thomas Sotinel A l’ombre des murs, une épopée criminelle violente et exaltante (sic) Le Monde 26.08.09
Un prophète Festival de Cannes 2009
Voir ma dernière note de 2010 : La gent stupéfiante des médias et de la culture
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