21 avril 2008
Comme un douloureux écho à mes notes sur les Devoirs de l’Ecole, Quarante ans plus tard, et Une école en vacance, l’enquête de Luc Bronner1 nous fait entendre la violence ordinaire dans un collège sensible.
La formule décrit déjà à elle seule l’insupportable et le désespérable * du quotidien des adolescent(e)s au collège Jean-Moulin d’Aubervilliers.
Il faut savoir que chaque fois qu’un collège est fermé comme à Clichy-sous-Bois le 14 avril 2008 **ou que les professeurs débrayent comme à Aubervilliers le 8 avril 2008, suite à des jets d’acide chlorhydrique ou de mélanges explosifs, c’est une victoire sordide de délinquants lâches et illettrés sous l’emprise de l’alcool et de la drogue ; une victoire de la bêtise sur l’apprentissage scolaire ; une victoire de l’obscurantisme sur le savoir ; une victoire de l’économie souterraine sur le collège public, ses élèves et ses enseignants.
Ainsi c’est leur loi qui gouvernerait, leur loi du silence imposée par des menaces intolérables. Leur loi du silence tellement assourdissante qu’au rectorat de Créteil, on se contente de riposter à l’aide de logiciels2, qui comme chacun sait, impressionnent fort les récidivistes.
Face à cette pitoyable dérobade de l’administration orchestrée par le laxisme des ministres de l’Education nationale – néanmoins grands donneurs de leçons de morale devant la République -, la décision d’un professeur de français de faire écrire aux élèves une lettre à l’Inspecteur d’Académie*** et d’appeler un journaliste du Monde était une décision de bon sens.
Et les plus sensé(e)s et les plus sensibles sont bien les collégiennes et les collégiens qui expriment avec courage leur volonté de réussir leurs études, d’apprendre un métier, d’avoir un avenir. Demandent-ils l’impossible – comme dans le slogan de Sorbonne 1968 ? ou demandent-ils simplement que l’on respecte leurs droits, en instituant à nouveau dans leur collège la bonne autorité, celle qui les protègerait, celle qui leur permettrait de travailler dans le calme et la dignité ?
Quel sens M. Darcos donnera-t-il à la demande légitime de ces jeunes citoyens ? S’il suit la « mise en place du volet Education nationale de la dynamique Espoir banlieues ****, il se pourrait qu’il offre le collège Jean-Moulin à l’enseignement privé catholique. Et ce serait alors le signe précurseur de la privatisation des collèges.
Enseignement public, démocratisation, laïcité, échec et mat. Désespérable !
1 » Des mots de collégiens sonnent l’alarme » article de Luc Bronner du 19.04.08
2 Signa puis Sivis : système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire » Incidents en hausse mais difficiles à recenser (sic) » article de Luc Cédelle du 19.04.08
* néologisme très sensible de l’un d’entre eux
** Lire le témoignage de Jérôme Maufras : Moi, un prof à Clichy-sous-Bois
*** Mais en même temps sur le site de l’Inspection académique : « L’éducation en Seine-Saint-Denis«
on peut lire au chapitre « Consolider notre plan d’action pour développer la citoyenneté et la sérénité de la vie scolaire « : « En Seine-Saint-Denis, en appui sur un dispositif partenarial mis en place en 1992 et sur la convention de partenariat signée par le recteur avec les préfets de département le 20 septembre 2005, le plan général de prévention de la violence, établi l’an dernier [2006], est en cours de réalisation. »
….seize ans donc pendant lesquels se seront succédés préfets, recteurs, inspecteurs d’académie et ministres de l’Education nationale ; seize ans perdus, d’un temps si précieux, pour l’ avenir des collégiens nés entre 1980 et 1996…
– on est informé de la Campagne » Pas d’école, pas d’avenir « (Tiens, c’est ce que disent les lettres sensibles !) du 12 au 25 mai 2008.
**** cf ma note Le devoir » Espoir banlieues » du ministre 28 février 2008