30 janvier 2017
Certes, au XXIème siècle, c’est en quelques heures seulement que la calomnie enfle, rinforzando , mais il n’y a toujours « pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien ; et nous avons ici des gens d’une adresse !… »
Tout est dit par Beaumarchais dans Le Barbier de Séville ♦ : Acte II, scène 8
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Bartholo (médecin, tuteur de Rosine et comptant l’épouser), Don Bazile (un fourbe, maître à chanter de Rosine), et Figaro (caché dans le cabinet, paraît de temps en temps et les écoute).
(…)
Bartholo
J’ai passé chez vous sans vous trouver.
Bazile
J’étais sorti pour vos affaires. Apprenez une nouvelle assez fâcheuse.
Bartholo
Pour vous ?
Bazile
Non, pour vous. Le Comte Almaviva est en cette ville.
Bartholo
Parlez bas. Celui qui faisait chercher Rosine dans tout Madrid ?
Bazile
Il loge à la grande place, et sort tous les jours déguisé.
Bartholo
Il n’en faut point douter, et cela me regarde. Et que faire ?
Bazile
Si c’était un particulier, on viendrait à bout de l’écarter.
Bartholo
Oui, en s’embusquant le soir, armé, cuirassé …
Bazile
Bone Deus ! Se compromettre ! Susciter une méchante affaire, à la bonne heure ; et pendant la fermentation calomnier à dire d’Experts ;
Bartholo
Singulier moyen de se défaire d’un homme !
Bazile
La calomnie, Monsieur ? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens prêts d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien ; et nous avons ici des gens d’une adresse !…
D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, Pianissimo murmure et file et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout-à-coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil.
Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne ; et devient grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription.
Qui diable y résisterait ? »
(…)
À la fin de la scène VIII, quand Bazile part en disant :
« Restez, docteur, restez donc.
Bartholo réplique :
« Non pas. Je veux fermer sur vous la porte de la rue. »
C’est alors ♦ la scène IX, Figaro, seul, sortant du cabinet,
« Oh ! La bonne précaution ! Ferme, ferme la porte de la rue, et moi je vais la rouvrir au Comte en sortant. C’est un grand maraud que ce Bazile ! heureusement il est encore plus sot.
♦ Il faut un état, une famille, un nom, un rang, de la consistance, enfin pour faire sensation dans le monde en calomniant. Mais un Bazile ! il médirait qu’on ne le croirait pas. »
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♦ À lire dans le vénérable ouvrage Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile Comédie en quatre actes ; par M. de Beaumarchais ; Représentée et tombée sur le Théâtre de la Comédie Françoise aux Tuileries le 23 Février 1775. A Paris, chez Ruault, rue de la Harpe MDCCLXXV Avec Approbation et Permission./folio 45 /………………………