E/ Paris – Le défilé des patriotes du 20 juin 1792

 

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Il y eut tout d’abord le 19 juin 1792, l’adresse des patriotes marseillais qui fut lue à l’Assemblée législative par Pierre-Joseph Cambon (1) :

« Législateurs, la liberté française est en péril ; les hommes libres du Midi se lèvent pour la défendre.
Le jour de la colère du peuple est arrivé. Ce peuple qu’on a toujours voulu égorger ou enchaîner, las de parer les coups, est à son tour prêt d’en porter ; las de déjouer les conspirations, il a jeté un regard terrible sur les conspirateurs. (…)
Représentants, le patriotisme vous demande un décret qui nous autorise à marcher avec des forces plus imposantes que celles que vous venez de créer, vers la capitale et vers les frontières.
Le peuple veut absolument finir une Révolution qui est son œuvre et sa gloire, qui est l’honneur de l’esprit humain
. Il veut se sauver et vous sauver…

Législateurs, vous ne refuserez pas l’autorisation de la loi à ceux qui veulent mourir pour la défendre.»
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« Et dans la nuit du 19 au 20 juin, les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel étaient en rumeur… L’Assemblée fut avertie à l’ouverture de la séance que deux colonnes armées, parties l’une de la Salpêtrière, l’autre de la Bastille, étaient en marche, qu’elles s’étaient rejointes, et que, grossies d’une grande foule, elles approchaient.(…)

Santerre par une lettre au président de l’Assemblée, demande pour les pétitionnaires le droit d’entrer et de défiler. Huguenin, député (commis à l’octroi de Paris) lut la pétition :
« Faites donc exécuter la volonté du peuple qui vous soutient, qui périra pour vous défendre ; (…) Le pouvoir exécutif n’est point d’accord avec vous, nous n’en voulons d’autres preuves que le renvoi des ministres patriotes.
C’est donc ainsi que le bonheur d’une Nation dépendra du caprice d’un roi, mais ce roi doit-il avoir d’autre volonté que celle de la loi ?
Le peuple le veut ainsi, et sa tête vaut bien celle des despotes couronnés…
Nous nous plaignons, Messieurs, de l’inaction de nos armées … Si elle dérive du pouvoir exécutif, qu’il soit anéanti.
Le sang des patriotes ne doit pas couler pour satisfaire l’orgueil et l’ambition du château des Tuileries »…

Près de dix mille hommes, défilèrent devant la tribune de l’Assemblée. Les citoyens sont armés les uns de piques, les autres de besaiguës (2), de tranchets, de couteaux et de bâtons. Quelques femmes portent des sabres. Tous traversèrent la salle en dansant à divers intervalles au son de l’air Ça ira, et en criant : Vivent les sans-culottes ! Vivent les patriotes ! A bas le veto !

 Et Jean Jaurès poursuit :
 « Cette fois, les milliers d’hommes qui passent en armes dans l’Assemblée ont une idée précise; les journées des 5 et 6 octobre [1789] sortaient, si je puis dire, des entrailles du peuple souffrant;  la journée du 20 juin sort du cerveau révolutionnaire du peuple soulevé.»

                                                                                  


1
Cambon (1756-1820), négociant à Montpellier, député de l’Hérault à l’Assemblée législative, puis à la Convention.


2
« Outil de charpentier dont les deux bouts acérés sont taillés l’un en forme de ciseau, l’autre en forme de bédane» Robert p. 1356.

Pour sa partie historique, le texte est extrait  du tome 2 de l’Histoire socialiste de la Révolution française  de Jean Jaurès (revue et annotée par Albert Soboul) Éditions sociales 1977. L’auteur a puisé dans les Archives parlementaires, XLV, 414, Le Moniteur XII, 711, 715, 717, 718 – Buchez  et Roux, Histoire parlementaire de la Révolution française, XV,138 – Première édition Paris 1900.

Jean Jaurès 1859-1914 Toulouse entre 1870 et 1880
Jean Jaurès, jeune professeur à Toulouse

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