2009 Une sociologue et un ancien chef de bande

Note de novembre 2009

Ce n’est pas simple d’y voir clair dans la période troublée que nous traversons tous dans nos  quartiers des grandes villes, dans nos petites villes et dans nos villages.

L’article (1) qu’ont rédigé Marie-Hélène Bacqué, sociologue et Lamence Madzou, ancien chef de gang voudrait certainement nous éclairer, en commençant par mettre en doute le chiffre du ministère de l’intérieur :  » 222 bandes … 78% en Ile-de-France…soit un total de 5000 jeunes ».

La sociologue – grâce aux lunettes de  l’ancien chef de bande, qui sait forcément ce que « bande ou gang » veut dire, et leur nombre – affirme  « que la plupart de ces bandes sont des groupes peu structurés de copains désœuvrés. »
Cinq colonnes seront -elles suffisantes pour  nous convaincre que ces bandes  vivent paisiblement entre bons garçons déscolarisés, illettrés ou sans emploi, loin des malfaisants, loin des braqueurs cagoulés, des trafiquants de drogues, de voitures et d’armes, dont ils  seraient les seules victimes ?

Pas vraiment ! la sociologue et l’ancien chef de bande nous décrivent au contraire,  une vie d’inactifs (comme ceux des bandes) au cœur  d’une économie souterraine en plein développement. Et on est prié de s’attendrir car « les petits vendeurs ne roulent pas sur l’or. Ils ne gagnent souvent pas beaucoup plus qu’un smic (sic). … ils ont ainsi accès à un marché du travail, certes informel, où ils ont l’impression « d’être à leur compte. »

Avec un luxe de détails nous apprenons comment, pour jouer dans la cour des grands et gagner plus,  « quelques individus vont se fournir en Espagne ou au Maroc …  ils créent alors des   » fours »  (2) : ils prennent possession d’un escalier, en général dans un immeuble d’habitat social. L’escalier est bloqué par un jeune cagoulé avec barre de fer. Un ou deux autres s’y installent pour vendre. A l’extérieur, des guetteurs surveillent… Les équipes  se relaient : le four est ouvert jusqu’à 22 heures la semaine et minuit le week-end. La drogue est cachée à proximité du four, la préparation se fait dans les appartements… Elle est connue des habitants, réduits au silence par la menace et l’intimidation …   Les fours rapportent entre 6 000 et 10 000 euros par jour. «

Et si la sociologue et l’ancien chef de gang mettaient les lunettes  « des habitants, réduits au silence par la menace et l’intimidation  » ?
– Sauraient-ils nous dire qui sont les vraies victimes de ce  » bizness   » (affaires malhonnêtes en argot de truands ) ?
Se sentiraient-ils aussi  un peu solidaires de ceux qui ne gagnent que le smic en travaillant,  de ceux qui viennent de perdre leur emploi parce qu’il faut  augmenter les dividendes des actionnaires ?
Peut-être sembleraient-ils moins en empathie avec les désœuvrés des bandes et les patrons des « fours » ?  Ces nouveaux riches qui blanchissent leur argent sale  chez  « Versace, Armani ou Dolce Gabbana », dans la contrebande d’armes de guerre et qui roulent  pour  faire bourge(ois) dans des  grosses berlines étrangères.

♠ En suivant la finesse de leur  raisonnement, il faudrait penser :

que les bandes  sont pour la plupart aussi pacifiques entre elles et polies avec les personnes âgées du quartier que des équipes de scouts ;

qu’elles ne sont pas armées,

qu’elles n’agissent pas sur l’ordre des chefs de gangs ou des chefs  mafieux – qui seraient pour leur part, de gentils garçons sachant dire bonjour.

Bref, à les en croire, les pépinières de mafias seraient  aussi tranquilles et inoffensives pour la société que les bandes de copains seraient sympathiques. 

Pour la sociologue et l’ancien chef de bande, la seule coupable est justement la société française si répressive.
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Ils ne diront rien des autres jeunes, des adolescents et  des adolescentes sensibles (3) (en banlieue comme  partout) qui veulent vivre autrement, qui refusent  la toute puissance barbare de la haine et de la violence des « grands frères (sic) » et des chefs de gangs.

Veillons sur ces jeunes courageux qui s’inscrivent dans des parcours professionnels. Ce sont eux qu’il faut féliciter, encourager, accompagner dans leurs études et leurs projets.
Ce sont eux les citoyens qui feront la société française de demain.          

Quant aux autres, ceux des bandes, ceux des gangs, ceux des  » fours « , ceux des  mafias, la justice sera la seule bonne réponse.

 

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Débats Horizons Le Monde 31 mai/ 1er juin 2009  p.17 citations en italique/ Marie-Hélène Bacqué sociologue, professeur à l’université d’Evry et Lamence Madzou ancien chef de bande – Coauteurs de J’étais un chef de gang  (La Découverte, 2008)

2 Du  « four » à l’incendie criminel dans la cage d’escalier d’un immeuble de Sevran le 10 août 2009  qui a fait 5 victimes dont deux enfants et un nourrisson. Un immeuble dont les toits ont servi pendant des années « de cache d’armes et de refuge aux trafiquants » et dont l’accès aux pompiers est rendu difficile par les caillassages qui les accueillent. »
Ici, [dit le maire de Sevran, Stéphane Gatignon] c’est un système carrément mafieux qui prévaut. C’est un trafic à grosse échelle qui met en jeu d’importantes sommes d’argent. »
Incendie de Sevran : la piste d’un règlement de comptes est privilégiée  article de Yves Bordenave Le Monde 12.08.09 /
L’hypothèse criminelle est retenue par le parquet de Bobigny le 27.08.09 (AFP.) Le Monde 29.08.09.

3   cf. ma note Les collégiens sensibles d’Aubervilliers  21 avril 2008
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