Les trois mousquetaires du jeu vidéo

31 mai 2009

 

              Comme dans l’histoire d’Alexandre Dumas, ils sont quatre ! 

Nous avions déjà croisé deux (pédo)psychiatres et/ou psychanalystes : Michael Stora (1)pragmatique, avec « toutes les consoles de jeux disponibles sur le marché », et  Serge Tisseron (2)serein, devant les parents « terrifiés par la violence de certains jeux [vidéo] ».

Depuis peu nous caracolons avec le  troisième, Yann Leroux (3), psychanalyste, massivement hard core gamer, et le quatrième, Marcel Rufo (4),  avatar de D’Artagnan,  héritier  médiatique de Françoise Dolto.

On reconnaît les mousquetaires à leur devise : Tous pour les jeux vidéo !

Ils bataillent, ferraillent, embrochent tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Les jeux vidéo sont bons, les jeux vidéo sont beaux, les jeux vidéo font du bien. La preuve ? Ceux qui ont ou auront mal étaient de toute façon déjà malades et les mousquetaires seront là pour les soigner. Bref, on l’a compris, ensemble les fabricants de jeux vidéo et les psychiatres diront merci aux joueurs, malades et/ou futurs malades.

Démonstrations,  argumentations, explications (plus ou moins claires)  sont autant de bottes secrètes pour éliminer les vilains médisants du jeu vidéo. Ainsi Marcel Rufo, face aux parents inquiets, n’est jamais inquiet   :  « On crie au loup, on parle du danger de l’addiction, mais les gosses addicts (sic) sont fragiles par ailleurs. »

  Hélas ! Les garçons  qui  découvrent un FPS (first personal shooter (!) et incarnent  un snipper (!) ou un dynamiteur (!), sont en effet,  des proies bien faciles et bien fragiles face au déferlement sonore et visuel du jeu.

Et si, comme nous raconte Yann Leroux, cela leur   « permet de travailler (sic) [leur] toute puissance à l’état brut », c’est  pour mieux les emmener (entraîner ?)  sur le terrain de la violence, de  la destruction et de la guerre ; c’est une formation subliminale payante pendant laquelle est rappelée en permanence que la loi du plus fort est toujours la meilleure. Loi  inique  imprégnée de dogmes religieux,  loi  des régimes  théocratiques et fascistes.

Pendant ce temps, Marcel Rufo, contrairement aux vilains médisants, ne crie pas au loup, il crierait plutôt au miracle !
Ainsi nous donne-t-il l’exemple d’un garçon 
 « qui ne travaillait plus en classe et passait son temps à jouer sur des jeux en réseau. On a discuté et il m’a confié qu’il admirait son grand-père, décédé, qui était un génial bricoleur. Je lui ai demandé s’il n’avait pas plusieurs vies avec son grand-père grâce au jeu vidéo «  ! Etonnant, non ?

Et pour finir, en chevauchant aux côtés de Yann Leroux, nous l’entendons s’emballer pour le jeu massivement multijoueurs,  World of  Warcraft.
Du haut de son   « Observatoire des mondes numériques en sciences humaines« ,  il  proclame que ce jeu  « va transformer de manière profonde la société » ;   il nous annonce,  qu’ « il est certain que les Orcs de World of Warcraft  vont faire la société de demain  » !!!

                           AU  LOUP !!!                 

1  Cf. par  L’ingénue  Le soin par le jeu vidéo ou acharnement virtuel ?

Cf. par  L’ingénue Les fabricants de jeux vidéo diront merci

3   Propos de Yann Leroux recueillis par téléphone par Hubert Guillaud le 12 mars 2009 / Internet Actu /

4   Entretien de Marcel Rufo avec Sylvie Kerviel /Le Monde 10/11 mai 2009

              

 

Les fabricants de jeux vidéo diront merci

Sur le vif /  « L’addiction aux jeux vidéo est rare«  / Propos (en italique) *de Serge Tisseron, psychiatre.

Cher Serge Tisseron,

Dans votre rôle de psychiatre conseiller, quand les parents sont  » terrifiés par la violence de certains jeux [vidéo] « , vous pensez donc qu’ils ont tort, et que cette violence, qui s’ajoute à celle de la télévision, du cinéma et de la Toile est excellente pour la santé mentale des chers petits ? Avec en prime  la drogue à l’adolescence **?

Et tant pis pour tout le temps de vraie vie volé aux jeunes. La fabrique de petits robots fonctionne déjà à plein régime. Les fabricants de décervelage ne manqueront pas de vous dire merci. 

NB Tout esprit rationnel se régalera de  » L’addiction aux jeux vidéo est un phénomène rare  » qu’il rapprochera de la dernière phrase  » Il faut bien sûr mener une prévention auprès des jeunes mais aussi une bataille pour que les fabricants fassent des jeux moins addictifs. » De qui se moque le psychiatre ?

                               *Propos recueillis par Martine Laronche Le Monde 7.01.09

   **cf. Le désarroi des parents face au danger du cannabis Martine Laronche Le Monde 27.01.09

L’exploit : dix jours sans télé ni jeux vidéo

24 mai 2008

C’est ce que tentent de réaliser depuis le 20 mai 2008, à l’aide des enseignants et (bien sûr) des parents, les écoliers de l’école Ziegelwasser de Strasbourg !

C’est tellement extraordinaire que l’on veut bien croire que c’est  » une expérience unique en Europe  » ! On ne peut que féliciter chaleureusement l’école et les parents d’avoir osé  cette expérience. Les enfants en récolteront l’idée que la seule position assise – voire avachie, les yeux rivés sur un écran,  n’est pas le seul loisir possible pour les 6-11 ans.

A eux d’expérimenter la rime affichée dans l’école :  » Ecrans éteints, ça fait du bien « . Le défi est déjà lancé : qui – avec toute sa famille – tiendra 11 jours ? Allons, demandons l’impossible, qui tiendra un jour sans écran chaque semaine , juste pour continuer d’apprendre  à «  voir autrement « ?

Vu à la télé … juste avant… d’éteindre…

 

                                                                                   Dix jours après

Rassurons-nous, tous les enfants ont pu (sur)vivre et se divertir 😉 grâce à l’excellente participation éducative des adultes. Ils ont découvert un avant-goût de tout ce qu’ils pourraient créer, choisir, vivre enfin eux-mêmes, au lieu de la seule passivité grignotante des 1200h devant  » le tout-fait étouffant  » de l’audiovisuel.

Et si toutes et tous, nous pouvions oser leur redonner ainsi ce merveilleux temps de l’enfance ? Quel exploit ce serait !

                                                                      

Concernant les 12-25 ans voir  Dans la spirale des jeux vidéo  (documentaire d’Heide Breitel rediffusé sur Arte le 20.06.2008 à 9h55 / 68′)

Le soin par le jeu vidéo ou acharnement virtuel ?

 Sigmund Freud constaterait tout comme nous l’incroyable emprise « des univers oniriques * » des jeux vidéo sur les jeunes cerveaux. Les enfants sont fascinés et en redemandent tellement que la certitude de profits colossaux exacerbe l’imagination des adultes concepteurs. On voit ainsi leurs talents faire merveille pour parvenir à transformer nos paisibles bambins en patients (sic) pour le plus grand bonheur de modernes psychanalystes eux-mêmes  » accros  » aux jeux vidéo.

Les symptômes sont là. Fatigués, abrutis, grognons, opposants ou agressifs, les enfants ne réussissent plus à travailler à l’école, du coup ils se réfugient encore plus dans le virtuel.  Bref, la société marchande les dote d’un véritable  handicap socioculturel pour leur évolution et leur réussite scolaire. Qu’à cela ne tienne, la science (ou magie ?) psychanalytique partant du postulat que  » l’inconscient dans notre société est devenu très visuel « , invente  le soin par le jeu vidéo. D’où l’étrange raisonnement qui consiste à nous faire croire que d’imposer à l’enfant toujours plus de sollicitations audio-visuelles  lui  » permet de projeter à l’extérieur des choses qui sont difficiles à dire. » 

Finis le calme, les dessins, les jeux, les jouets, place à l’écran géant et aux bruits. Plus besoin d’avoir ses propres rêves, l’enfant vit et agit dans les cauchemars virtuels des adultes grâce à « toutes les consoles de jeux disponibles sur le marché « . Il accumule sans fin des images et des sons, refait mécaniquement toujours les mêmes gestes. Ce soin par le jeu video ne serait-il pas un acharnement virtuel  lui aussi, vers une véritable dépendance ? 

Avec l’illusion érigée en théorie que ces jeux vidéo-là correspondraient justement à l’univers émotionnel de cet enfant-là et  lui  serviraient d’exutoire. Avec l’illusion que toujours plus d’images animées excessivement lumineuses et sonores, induisant une incroyable surexcitation,  permettraient à l’enfant de se retrouver lui-même, dans sa propre vie et en sécurité affective, avec ses propres sensations et ses vrais sentiments.

En effet, il faut bien se poser la question : comment un enfant déjà fragilisé, réussira-t-il à se guérir aussi de l’emprise du virtuel, à échapper à sa tyrannie, pour que sa vie réelle toute simple  en famille, à l’école, lui apparaisse à nouveau comme une belle aventure, sa belle aventure ?  

                                                                                                    

*  citations de Michael Stora, psychanalyste, extraites de l’article de Séverine Fiévet : Le virtuel pour soigner les enfants en difficulté Le Monde 05.03.2008

 

        cf ma note L’exploit : dix jours sans télé ni jeux vidéo  du 24 mai 2008

        Concernant les 12-25 ans voir  Dans la spirale des jeux vidéo  (documentaire d’Heide Breitel rediffusé sur Arte le 20.06.2008).