Le Miroir

Le Fou d’Elsa  

Chapitre I  /  Chants du Medjnoûn

♦ Le Miroir

Si le miroir mimer osa
La rose et l’or des mimosas
Le saule en fleur au vent qui bouge
La sauge en sang qui saigne rouge
La violette et les lilas
De quoi se parent les yeux las
S’il prit leur regard aux pervenches
À la palombe l’aile blanche
S’il résuma le ciel en lui
Croisa le soleil et la pluie
S’il fut la nuit s’il fut le jour
À la lumière fit l’amour
Il a tremblé lorsque tu vins
A bu tes lèvres comme un vin
S’est perdu suivant ta musique
Au cœur du paradis physique
Ne voit plus rien quand tu t’en vas
Dans son profond sommeil rêve à
Toi seule aveugle à toute chose
Aux mimosas comme à la rose
Insensible à qui le grisa
Et n’est plus miroir que d’Elsa


Lexique et notes

Medjnoûn : arabe, fou, possédé.
Surnom de l’Amirite Kéïs an-Nadjdî, poète préislamique bédouin, et personnage de divers poèmes (Nîzâmî, Djami, etc.) portant le titre Medjnoûn et Leïlâ.
Dans ce poème-ci, surnom donné au Fou de Grenade, Keïs Ibn an-Nadjdî, appelé le Fou d’Elsa

Commentaire de Zaïd  [personnage fictif] : De quel miroir il s’agissait, de verre ou de métal, nul ne peut dire, et furent propos nombreux de la signification cachée de ce chant. Quand la police de l’Émir fouilla le domicile de mon Maître, elle avait mission de trouver ce miroir qui se disait magique, et servant à lire hier comme demain.
J’en interrogeai par curiosité d’enfant An-Nadjdî qui me répondit : « Il y a des miroirs d’eau, de ciel (ou mirages)… mais sont les gens trop simples pour entendre qu’il y a miroirs de mots (ou images).
C’est pourquoi leur est mystère la poésie. Ces vers signifient, puisque enfin le secret t’en importe que dans ma poésie où parfois je semble parler d’autre chose il n’est image qui ne serve à montrer Elsa, il n’est image que d’Elsa. »

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