M. Pinault, les milliardaires et Paul McCarthy

8 septembre 2009   revue le 26 octobre 2014

M. F. Pinault, milliardaire français n’a pas peur des artistes contemporains. Il nous le prouve avec sa collection rassurante de 2 000 œuvres. Et s’il avait commencé par fuir l’île Seguin à Boulogne- Billancourt,  ce n’était pas par peur du  fantôme du  prolétariat, mais parce que  « la François Pinault  Foundation »  faisait une meilleure affaire en  achetant le bâtiment des douanes de Venise.

Non, ce qui fait peur à M. Pinault, c’est l’ignorance stupide des foules qui n’ont rien compris ni aux «pigeons qui chient» sur un bel escalier du Louvre de Jan Fabre,  ni au « veau d’or » dans le formol de Damien Hirst, ni au homard de Jeff Koons à Versailles, ni à la truie gonflable de Paul McCarthy ;  l’ignorance de  ceux qui ne savent pas si c’est du  doll’art * ou du cochon.

Alors, comme un brave milliardaire dont la mission  est de renchérir en permanence la cote de ses placements artistiques, M. Pinault ne craint pas de dire que pour lui  «l’art n’est pas un luxe parce que l’appréhension  de l’art exige un engagement » ** ;  traduisez pour les visiteurs de ses expositions l’engagement de payer le   billet d’entrée / même pas de gratuité pour les moins de 26 ans / en échange de quoi il promet « d’éveiller leur intérêt »  😉

Le milliardaire ne craint pas le partage : « le désir de possession né lors de mon premier contact avec l’art s’est transformé en un profond besoin de partager » ;  aussi a-t-il eu le besoin de faire la même année une exposition à Moscou au Garage-center for contemporary art, au Palazzo Grassi, à la pointe de la Douane à Venise et à Dinard au Palais des arts.

On l’a bien compris, l’exposition de Dinard intitulée  Qui a peur des artistes ?  « encouragera le visiteur à dépasser ses propres appréhensions pour s’engager dans une véritable expérience de l’art.» ***

Si je ne suis restée dans le hall que l’instant de voir la truie en plastique rose gonfler et  dégonfler sur la machine  Mechanical Pig  2005 Paul McCarthy ♦ section humilité (sic) et humour, c’est sûrement, cher M. Pinault, que j’ai eu peur de rire aussi de la section peur de la mort avec le mannequin de Jean Paul II La Nona ora 1999 Maurizio Cattelan … peur de rire avec les artistes contemporains qui se moquent de moi, rassurés qu’ils sont d’être aimés  des milliardaires  comme vous  !

    à suivre
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* néologisme personnel à partir du jargon de milliardaire :  le « doll » vaut un million de dollars.

** Vivre à Dinard n°54 – juin 2009 – le guide de l’été citations de F.P.

*** Caroline Bourgeois, commissaire de l’exposition. Il est intéressant de noter le double sens du  mot appréhension  tel qu’il est utilisé par le milliardaire et la commissaire … sachant qu’il y a l’appréhension sans l’appréhension mais aussi l’appréhension de l’appréhension ou doute réflexif, sans oublier  l’appréhension de l’ appréhension ou  peur d’avoir peur.

NB   Puisque « Tel est son bon plaisir » le milliardaire rassuré par ses multiples alliés politiques, se verrait bien « investissant »  le Louvre, Versailles  et nos autres châteaux de la République, des créations de ses  favoris, tel un nouveau monarque  nous privant de la liberté de jouir sereinement du fruit du travail et du génie de nos ancêtres bâtisseurs, artisans d’art et artistes qui ont accompli des chefs-d’œuvre  et qui ont transmis aux générations suivantes leur savoir-faire et le goût du beau.

À quand l’encombrant Mechanical Pig de Paul McCarthy devant La Liberté guidant le peuple de Delacroix au Louvre ?

M. Pinault milliardaire intrépide, aura-t-il peur de nous l’ imposer  ? … 

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…  Suite
 le 25 octobre 2014  :
L’inspiration scatologique, pornographique et homosexuelle de l’artiste ne pouvait que séduire le gai petit monde des milliardaires qui s’agite et s’impose (fortune oblige) au Comité Vendôme pour orner notre place Vendôme à Paris et les salons de notre Hôtel  de la Monnaie en cette fin d’octobre 2014 pour la Foire (sic)  internationale d’art contemporain.

Cet extrait du texte de l’AFP / 24.10.2014/  est d’une grande clarté :
« (…)  Sous les dorures du salon d’honneur de l’hôtel de la Monnaie, situé au cœur de Paris, près de la Seine, la « Chocolate Factory »d e Paul McCarthy produit à la chaîne des répliques en chocolat de deux célèbres œuvres de cet artiste controversé :
« Tree », dont la forme conique évoque davantage un plug anal qu’un arbre, et « Santa Claus », gnome barbu portant une cloche et un plug surdimensionné, créé en 2001 à Rotterdam (Pays-Bas).

Symboles d’un productivisme outrancier, les moulages – impropres à la consommation – sont stockés sur des étagères dans les 1.000 m2 de salons en enfilade du premier étage de l’aile Est du bâtiment du XVIIIème siècle.
L’odeur, combinée à la projection répétitive d’une vidéo de l’artiste écrivant et déclamant d’une voix rauque et lancinante « Are you the artist ? Fuck you in the asshole ! », produit une sensation proche de l’écœurement. (…) »

Le président , Christophe Beaux, laisse une notice plus flatteuse sur les site de  l’Hôtel de la Monnaie et dans son « book shop »  nous vend une médaille de « Santa » en bronze florentin, le livre de 160 pages  « entièrement conçu par l’artiste autour de l’imaginaire de Noël à Paris (sic) …)» et les sculptures en chocolat noir « Tree »  et « Santa » de l’artiste sorties de la chocolaterie de  Guy Savoy.

Consolons-nous en pensant que nous avons échappé à cette autre création de l’artiste américain sur la Place Vendôme :


«Complex Pile». Hong Kong, avril 2013. AFP

que M. Beaux aurait déclinée pour le plus grand bonheur des bobos parisiens, de Mme Hidalgo et du président Hollande,  en médaille de bronze (sic),  et M. Savoy, en délicatesses chocolatées de 300 grammes à (s’)offrir pour Noël  !

Décidément l’art contemporain est « du dernier bourgeois à la mode de chez Sade »  !
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NB
Présentation officielle Paul McCarthy à La Monnaie de Paris : « Figure majeure de la scène artistique internationale et une source d’inspiration pour de nombreux artistes, toutes générations confondues, Paul McCarthy insuffle l’énergie et la capacité de réinvention permanente propre à Los Angeles dans cette première exposition personnelle dans une institution française.(…) Invité par Chris Burden, Paul McCarthy a enseigné à l’Université de Californie à Los Angeles de 1992 à 1999, en charges du département « Nouveaux Genres. »

Présentation   de Francetvinfo /avec Télérama et Le New York Times : « Né en 1945 à Salt Lake City (Utah),  il commence sa carrière artistique par des performances et des vidéos. En 1974, il utilise son corps comme pinceau et de la mayonnaise, du ketchup, de la viande et des excréments comme peinture. (…) En 1976, il fait des « choses impliquant des poupées Barbie, des saucisses, de la vaseline et ses orifices corporels ou ceux des autres (…).»
Lors de l’inauguration de la fondation Louis Vuitton de Bernard Arnault, le 20 octobre 2014, le président Hollande  déclara : «La France sera toujours aux côtés des artistes, comme je suis aux côtés de Paul McCarthy.»
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Depuis, le favori des milliardaires et de M. Hollande s’est lancé dans le croquis des dites performances. On  verra et on appréciera dans son exposition à Londres, Galerie Hauser & Wirth le niveau de la « figure majeure » dans  l’art du dessin (!)  et  « la capacité de réinvention permanente propre à Los Angeles (!) ».
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