Le serment du Jeu de Paume – 20 juin 1789

20 juin 2015 – 21 octobre 2018


XVIIIème siècle
Château de Versailles 
juin 1789

Il avait fallu trouver un nom qui assurerait au Tiers État sa légitimité, « le caractère national des Communes » face aux privilégiés.

Lisons dans le tome 1 La Constituante  1789-1791  de Jean Jaurès (1) :

« Au fond, la motion de Sieyès proclamait le droit souverain du Tiers État : seul, malgré l’absence des autres ordres, il avait pu vérifier les mandats des députés, et, au contraire, la vérification à laquelle les autres ordres avaient procédé séparément était nulle.

Il y avait un ordre qui portait en lui la Nation, c’était le Tiers ; et les autres,  s’ils ne se rattachaient pas au Tiers, n’étaient que néant.

Les Communes hésitèrent encore pendant les séances du 15 et du 16 juin : mais dépassant en clairvoyance et en courage leurs chefs les plus renommés, elles comprirent qu’elles ne se sauveraient que par la netteté dans l’audace et, sur la motion de Legrand, député du Berry, elles décidèrent enfin, le 17 juin, que «la seule dénomination qui leur convenait était celle d’Assemblée nationale».

Le même jour, l’Assemblée, avec une décision admirable, fait acte de souveraineté. Elle déclare que tous les impôts existants sont illégalement perçus, mais qu’elle leur donne une légalité provisoire seulement « jusqu’au jour de la première séparation de cette Assemblée, de quelque cause qu’elle puisse provenir ».
Ainsi, tout acte de violence contre l’Assemblée faisait tomber du coup la légalité de l’impôt et constituait tous les citoyens à l’état de légitime résistance. (…)
Jamais plus admirable combinaison d’habileté et d’audace, de sagesse et d’héroïsme n’illustra l’action humaine. (…)
Soulevé au-dessus de ses craintes par l’audace du Tiers, le bas clergé, (par 149 voix contre 137) le 19 juin, décide de se réunir au Tiers pour la vérification commune.
(…) Bouleversés, le cardinal de la Rochefoucauld et l’archevêque de Paris courent à Marly où était le roi ; et là, le coup d’État royal est décidé.

Le lendemain 20 juin à 9 heures du matin, quand Bailly, président de l’Assemblée nationale, et les deux secrétaires se présentent à la porte de l’entrée principale (2), ils la trouvent gardée par des soldats ! L’officier de garde dit qu’il avait ordre d’empêcher l’entrée de la salle à cause des préparatifs qui s’y faisaient pour une séance royale.

Le président proteste et déclare « la séance tenante ». (…)
Les députés, sous la pluie battante cherchent une enceinte, où ils puissent délibérer. Un local assez vaste servait pour le jeu de paume : c’était une grande salle vitrée, dont les murs étaient coupés à mi-hauteur par des galeries en bois.

C’est là que s’installe la Nation, et c’est là que tous les députés, sauf un, Martin Dauch, font sur la proposition de Mounier, le serment de ne se séparer que quand la Constitution sera faite.

C’est le grand légiste Target qui a rédigé le texte : « L’Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la Constitution du royaume, opérer la régénération de l’ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et qu’enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale.
« Arrête que tous les membres prêteront, à l’instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun d’eux en particulier confirmeront, par leur signature, cette résolution inébranlable ».

Ainsi, tous les élus du Tiers, à cette heure de grand péril, se lient les uns envers les autres et tous ensemble à la Nation d’une chaîne sacrée. Ils peuvent affronter la séance royale annoncée pour le 22 juin et le coup d’État ; ils portent en eux la double majesté de la Nation et du serment.

Le lendemain, 21 juin étant un dimanche, l’Assemblée ne siégea point ce jour- là. »…
(…)
Le vent de la Révolution commençait à souffler en tempête quand le roi, mené par les princes et le haut clergé, tenta de lui opposer son coup d’État du 23″.

……………………… la Révolution était en marche…

C’était dans la salle du jeu de paume……………..

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Pendant ce temps-là, le 15 juin 1789, le marquis de Ferrières (3), député de la noblesse, écrivait à sa femme pour lui dire … son ennui  !
« (…) dans le fond, c’est un triste métier que nous faisons. Il y a peu d’espoir que les Ordres se réunissent. On ne conçoit rien à la conduite de la Cour ; à celle de Necker. Plus je vais, et moins je connais même les membres qui composent notre chambre. Il y a trois brouillons qui mènent tout ; ce qui est certain, c’est qu’ils agissent d’après une impulsion étrangère (sic). (…)
Le Roi est à Marly : les uns disent pour quatre jours, les autres pour trois semaines. Cela rend Versailles encore plus ennuyeux. »(…)

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XXIème siècle
Château de Versailles 
juin 2015

Je suppose que c’est le même ennui que celui du marquis qui saisissait Catherine Pégard, présidente de Versailles depuis 2011, quand elle entrait dans la salle du jeu de paume.
Mais elle savait, en choisissant Anish Kapoor pour l’été 2015,  qu’en poussant la porte, il aurait une idée qui lui plairait (sic) : il eut celle de  reprendre son « Shooting into the corner » de 2009.
Et, parole de présidente, il paraît que cela « nous entraîne  dans une histoire cachée  » du 20 juin 1789 à Versailles.

C’est ainsi que « l’élite culturelle du ministère (sic) « , au temps des milliardaires Arnault, Pinault et leurs consorts, sous la mandature de F. Hollande, voudrait masquer la vérité historique de cette journée du serment de l’ Assemblée nationale.
… La Révolution de 1789 n’a plus la cote au « château » présidentiel.
Les pseudo génies de l’art contemporain hautement spéculatif, comme Anish Kapoor, sont leurs serviteurs zélés, avec leurs aberrations industrielles lourdingues, scatologiques et/ou pornographiques, que je nommerais Laids-Arts.

 

Salle du jeu de paume juin 2015 A. Kapoor

Photo Le Figaro.fr

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1 Jean Jaurès  Histoire socialiste de la Révolution française   Tome 1 La Constituante  1789-1791  pp.380-387    –  Éditions sociales

2 Salle des Menus Plaisirs du roi
Depuis 1987, l’Hôtel des Menus Plaisirs accueille  le Centre de Musique Baroque de Versailles (associé à l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles) qui a organisé, en 2014,  le fabuleux 250 ème anniversaire de Rameau (1683-1764).

3 Le marquis de Ferrières Correspondance inédite 1789, 1790, 1791  pp. 68-69 publiée et annotée par Henri Carré, Armand  Colin, 1932.  Les Classiques de la Révolution française sous la direction d’Albert Mathiez.
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par L’ingénue  21.10.2018
J’ai revu et réécrit les sept dernières lignes.

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