Le Temps des cerises – en hommage à Louise, la jeune ambulancière

      

    Jean- Baptiste Clément dédia  Le Temps des cerises  à  Louise, la jeune  ambulancière qu’il présenta ainsi (1) :

« Entre onze heures et midi [ le 28 mai 1871], nous vîmes venir à nous une jeune fille de vingt-deux ans qui tenait un panier à la main. Nous lui demandâmes d’où elle venait, ce qu’elle venait faire et pourquoi elle s’exposait ainsi.
   Elle nous répondit avec la plus grande simplicité qu’elle était ambulancière et que la barricade de la rue Saint-Maur étant prise, elle venait voir si nous n’avions pas besoin de ses services.
   Un vieux de 48, qui n’a pas survécu à 71, la prit par le cou et l’embrassa.
   C’était en effet admirable de dévouement !
   Malgré notre refus motivé de la garder avec nous, elle insista et ne voulut pas nous quitter.
   Du reste, cinq minutes plus tard elle nous était utile. Deux de nos camarades tombaient frappés, l’un d’une balle dans l’épaule, l’autre au milieu du front.
   J’en passe !!!
   Quand nous décidâmes de nous retirer, s’il en était temps encore, il fallut supplier la vaillante fille pour qu’elle consentit à quitter la place.
   Nous sûmes seulement qu’elle s’appelait Louise  et qu’elle était ouvrière.
   Naturellement, elle devait être avec les révoltés et les las de vivre !
   Qu’est-elle devenue ?
   A-t-elle été, avec tant d’autres, fusillée par les Versaillais ?
N’était-ce pas à cette héroïne obscure que je devais dédier la chanson la plus populaire de toutes celles que contient ce volume ?»


     

Quand nous chanterons le temps des cerises
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête !
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux , du soleil au cœur !
Quand nous chanterons le temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur !

Mais il est bien court, le temps des cerises
Où l’on s’en va deux, cueillir en rêvant
Des pendants d’oreille …
Cerises d’amour aux robes pareilles,
Tombant sous la feuille en gouttes de sang …
Mais il est bien court, le temps des cerises,
Pendant de corail qu’on cueille en rêvant !

Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d’amour,
Evitez les belles !
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai point sans souffrir un jour …
Quand vous en serez au temps des cerises,
Vous aurez aussi des peines d’amour !

J’aimerai toujours le temps des cerises ;
C’est de ce temps- là que je garde au cœur
Une plaie ouverte !
Et dame fortune en m’étant offerte
Ne pourra jamais fermer ma douleur …
J’aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au cœur !


    

1  Dans son recueil « Chansons ».
La chanson Le Temps des cerises ( J.B. Clément – A. Renard )  fut créée en 1867 au Casino de Bruxelles,  où Antoine Renard, l’auteur de la mélodie se produisait. »
D’après les notes de Pierre Jonchères pour la pochette du disque – et recueil exceptionnel des- Chants de la Commune par le groupe «17» Le Chant du Monde.

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Le Temps des cerises partition 1

La fuite du roi, alias M. Durand, valet de chambre

              

Le 19 avril 1791 *, au lendemain de son départ manqué pour Saint-Cloud, et alors que les négociations secrètes se poursuivaient, Louis XVI «  crut bon  de se rendre à l’Assemblée nationale pour y mentir à nouveau. «  (…) J’ai accepté et juré de maintenir  cette Constitution dont la Constitution civile [du clergé]  fait partie, et j’en maintiens l’exécution de tout mon pouvoir. »

Deux mois plus tard, «  sur l’ Assemblée  obstinée à réconcilier la Révolution et le roi éclate la foudroyante nouvelle : « Le roi est parti, et sa fuite est sans doute le signal de la lutte ouverte, violente, de la puissance royale contre la Révolution.»
« Le roi, en effet, avait quitté les Tuileries dans la nuit du 20 juin  pour se rendre avec sa famille à Montmédy, près de la frontière, où Bouillé devait le rejoindre.
 A 11 h du soir la famille royale avait fui. Fersen lui avait procuré un passeport au nom de la baronne de Korff. C’est Mme de Tourzel, gouvernante des enfants, qui figurait la baronne. La reine, voyageant comme gouvernante, devait être Mme Rocher, Madame Élisabeth [sœur du roi] devenait Rosalie, demoiselle de compagnie, et le roi était un valet de chambre du nom de Durand, avec habit gris et perruque…  Ils montèrent dans une première voiture que Fersen, habillé en cocher, conduisit jusqu’à Bondy. Là, ils prirent une vaste berline que conduisaient trois jeunes gardes du corps, portant le costume jaune des courriers ; ils devaient gagner Montmédy par Châlons-sur-Marne et Sainte-Menehould.»

Laissons M. de Ferrières – député de la Noblesse à l’Assemblée nationale Constituante de 1789 à 1791,  conter à son épouse,  l’arrestation du roi à Varennes.                            
                            Paris, 24 juin 1791 

     « Je t’ai mandé hier la fuite du Roi. Voici les détails que nous avons reçus. M. de Bouillé avait envoyé un escadron de dragons à Clermont, afin de protéger la fuite du Roi. (…) Le Roi et la Reine arrivèrent à Sainte-Menou [Sainte-Menehould].
   Le maître de poste [◊ Jean-Baptiste Drouet] crut reconnaître la Reine. Il examina plus attentivement le Roi, et tirant un assignat de cinquante francs de sa poche, il confronta sa figure. Presque certain que c’était le Roi, il avertit la municipalité de Sainte-Menou.
  La garde nationale s’assembla et désarma les dragons qui devaient escorter le Roi. Le maître de poste alors monta à cheval et courut à toute bride, par un chemin de traverse. 
Arrivé à Varennes avant le Roi, le maître de poste de Clermont avait donné l’ordre à ses postillons de faire rafraîchir ses chevaux à Varennes, avant de doubler la poste. Cet ordre retarda la marche du Roi.  Le maître de poste de Sainte-Menou, profitant de cette circonstance, alla trouver un homme de ses amis, lui dit que le roi voulait quitter le royaume, et que s’il avait du patriotisme, il se joindrait à lui pour l’arrêter. Cet homme y consentit. 
  Drouet et cet homme se rendirent à un pont par lequel les voitures devaient nécessairement passer ; ils y trouvèrent une charrette chargée de meubles, la renversèrent et fermèrent par ce moyen le passage du pont. Alors, sûr que la voiture serait forcée de s’arrêter, Drouet courut à la municipalité, et avertit le procureur de la commune et le commandant de la garde nationale. 

Cependant les voitures arrivent au pont. Le procureur de la commune demande aux personnes qui sont dedans quelles elles sont, et où elles vont.
                    La Reine répond qu’elle est étrangère,  qu’elle va à Francfort. Le procureur  veut voir les passeports ; la Reine en montre un conçu en ces termes : « Vous laisserez passer Mme la baronne de Hof, allant à Francfort, avec deux enfants, une femme, un valet de chambre , et trois domestiques
La Reine prie le procureur  de lui permettre de continuer sa route. 
– « Vous n’êtes point des étrangers, reprend le maître de poste de Sainte-Menou, car, si vous êtiez des étrangers, comment auriez-vous le crédit d’obtenir qu’on envoie pour vous escorter, un détachement de dragons à Clermont, un autre à Sainte-Menou, et un détachement de troupe à Varennes ?»
Là-dessus, le procureur  dit à la Reine de descendre de voiture, ajoutant qu’elle et ses gens coucheraient à Varennes, et  qu’ils partiraient le lendemain. Il était minuit. Le Roi et la Reine descendirent de voiture. Le Roi avoua qu’il était le Roi.  Le procureur le conduisit dans sa maison… 
      M. de Goguelas ◊ ◊ qui commandait un détachement de hussards,  fit mettre le sabre à la main à ses soldats, et s’avança pour libérer le Roi ; les gardes nationales s’ y opposèrent… Pendant les débats, le commandant de la garde nationale fit amener deux méchantes pièces d’artillerie qui étaient à Varennes, en posta une en haut de la rue qu’occupaient les hussards, et plaça l’autre à l’entrée de cette même rue, de sorte que les hussards se trouvaient entre deux feux.
Malgré cette position désavantageuse, M. de Goguelas donna l’ordre de marcher. Le commandant de la garde nationale ordonna à ses canonniers de faire feu. Cette menace-ordre arrêta les hussards ; ils consentirent à mettre pied à terre et à se retirer. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que les deux pièces de canon n’étaient pas chargées… Mais, comme Varennes n’est qu’à neuf  lieues des frontières, on craignit que les Autrichiens, ou les troupes de M. de Bouillé ne vinssent enlever le Roi, et on le fit partir pour Clermont.»

                        Ainsi s’acheva le périple  de la famille Durand-Rocher.
                        Le roi  pensa-t-il que l’on  avalerait un aussi gros mensonge, et que l’on croirait qu’il voulait passer  l’été à  Montmédy alors qu’il avait un passeport pour Francfort ?                         

                        Et en guise de conclusion provisoire, retenons le commentaire lucide de M. de Ferrières :
                        « Toute cette entreprise est le comble de la folie, et dénote malheureusement dans le Roi, le projet coupable de porter avec les troupes étrangères la guerre dans le sein de la patrie…
Voilà donc, ma bonne amie, la malheureuse catastrophe qu’ont amené l’impéritie, le sot orgueil, la coupable ambition des prêtres et des nobles. J’ignore comment cela finira….»

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* Histoire socialiste de la Révolution française  Jean Jaurès tome 1  pp 1014-1029 Éditions Sociales 1977
 
** Correspondante inédite 1789, 1790, 1791 M. de Ferrières A. Colin 1932 /
publiée et annotée par Henri Carré – Doyen honoraire de la Faculté des Lettres de Poitiers
  Le maître de poste J.B.Drouet ( 1763- 1814 ) sièga à la Convention.
◊ ◊ Expédié par Bouillé à Varennes au devant de Louis XVI]

Défilé militaire, Marseillaise, et ciseaux affûtés de M.Bergé

            

 Les anecdotes toutes plus piquantes les unes que les autres seraient nombreuses à raconter. L’ Anastasie dumonde.fr a  le regard aiguisé et les ciseaux tranchants, dès que l’abonné(e) ne suit pas le droit fil de la toile de M. Bergé.

  Après le démarrage en fanfare d’un présumé candidat PS  à la magistrature suprême qui l’avait conduit tout droit devant un tribunal de New York et qui m’avait valu quelques coupures ; voilà qu’à peine désignée, la candidate verte à l’élection présidentielle trouve utile pour sa campagne de critiquer vertement notre fête nationale. Le défilé militaire lui fait aimablement comparer la France à la Corée du Nord.  On peut légitimement penser qu’elle nous en réserve d’autres  aussi vertes que  pas mûres !  Mécontent

  Sur ce sujet d’actualité, lemonde.fr du 15 juillet 2011 intitula  son article : « 14 – Juillet : Tollé politique après la proposition d’Eva Joly » et fit un joli score parmi les abonnés avec 210 réactions (publiées)

  Un abonné, M….  L….  prolongeant le même discours, émit l’autre proposition non encore formulée par Mme Joly*, à savoir qu’il faudrait aussi supprimer La  Marseillaise. 

Comme je me pique  de défendre  les Marseillais qui, les premiers la chantèrent bravement en 1792,  j’envoie une réponse brodée de points et de virgules  à  M….  L…. :

              Du XVIII ème  au  XX ème siècle, de l’armée révolutionnaire de Dumouriez et de Kellermann, victorieuse à Valmy, le 20 septembre 1792, contre les troupes monarchistes de Brunswick, aux Résistants chantant la Marseillaise en 1941 avant d’être fusillés par les nazis, notre hymne national représente, toujours haut et fort, au XXI ème siècle, notre volonté citoyenne de lutter contre les terroristes sanglants aux lois infâmes, qui mènent  l’assaut contre nos démocraties.

Devinez ce qu’il advint ?
les ciseaux affûtés de M. Bergé coupèrent le sifflet de M…. L…. contre La Marseillaise,  avec mon petit couplet  !    

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*   Eva Joly en remplacement de La Marseillaise, pourrait choisir  Il pleut Bergère, chansonnette  qui réhabiliterait du même coup,  Marie-Antoinette et les armées prussienne et autrichienne  – et rêver de restaurer en France la royauté comme     …                 en Norvège.

Du 2 avril au 28 mai 1871, la guerre civile sous les yeux des Prussiens

    8 juillet 2011 – Il y a  140 ans…               

Dans sa dépêche officielle du 1er avril 1871, expédiée à tous les préfets, Adolphe Thiers annonçait que « l’Assemblée nationale, serrée autour du gouvernement, siège paisiblement à Versailles, où s’achève de s’organiser une des plus belles armées que la France ait possédées. »

Quel orgueil pour Adolphe  Thiers que cette  « belle armée » de 130 000 hommes, grâce aux bons soins de Bismarck qui a libéré les prisonniers français, et sous le commandement en chef du maréchal de Mac-Mahon, le vaincu de Woerth, de Reischoffen, de Froeschwiller et de Sedan !
Après la guerre désastreuse de 1870 menée par un empereur et des militaires capitulards, un armistice qui arrache à la France l’Alsace et la Lorraine, les Prussiens sont les meilleurs ennemis de la classe possédante française, des industriels et de la bourgeoisie d’affaires, puisqu’ils vont leur  permettre  une saignée radicale des forces vives républicaines, des militants syndicaux et des affiliés à La Première Internationale des travailleurs.

Adolphe Thiers annonce paisiblement  la guerre civile. La « belle armée  » versaillaise  est en ordre de guerre contre les Communards, contre ces géniaux  précurseurs, contre  ceux qui se battaient déjà en juin 1848 pour une République sociale, juste, laïque et fraternelle.  Ce sera la guerre contre  la Garde nationale, contre le peuple parisien qui, le 18 mars 1871  avaient vaincu le général Vinoy et gardé  les canons  à Montmartre – les Lignards fraternisant avec les Fédérés- .

          Dès le 2 avril 1871,  les canons de  Thiers tonnèrent. Edmond de Goncourt nota dans son Journal : « Dieu merci (sic) ! La guerre civile est commencée ». Au rond-point des Bergères, à Puteaux, on fusilla les Fédérés prisonniers, après leur avoir promis la vie sauve.
Le lendemain,  le général Duval et 1500 Fédérés furent pris en tenaille à la redoute du plateau de Châtillon. Sur la route du Petit-Bicêtre, le général Vinoy entouré de son état-major questionna les prisonniers pour connaître leur chef : « C’est moi ! Général Duval ! » – « Qu’on le fusille ! » hurla Vinoy. Son chef d’état-major et son aide de camp s’étant désignés, ils moururent ensemble aux cris de « Vive la République ! Vive la Commune ! »*

Le général Flourens et un dernier groupe de gardes nationaux « après avoir par deux fois porté secours à Bergeret pour protéger sa retraite » furent encerclés par les Versaillais entre Rueil et Chatou. «  Le capitaine de gendarmerie Desmarets demanda : «  C’est vous Flourens   ?  – Oui –  C’est vous qui avez blessé mes gendarmes ? – Non   – Menteur ! et se dressant sur ses étriers, il lui fendit le crâne d’un seul coup de sabre… et repartit au galop. Le cadavre fut jeté sur un tombereau de fumier et conduit à Versailles. »*
Ce n’est qu’un mois plus tard, le 5 mai 1871, que le maréchal de Mac-Mahon, dans une lettre confidentielle adressée au général de Cissey, commandant le 2ème corps d’armée, rappella le droit des prisonniers de guerre. Il prenait soin cependant d’exiger que « ces prescriptions confidentielles ne soient point mises à l’ordre. » tant il était implicite qu’il s’agissait d’une guerre impitoyable.

Le 6 avril 1871, «  la capitale est  entièrement encerclée  : Les Prussiens… de la Marne à Saint-Denis et tenant tous les forts à l’est – les Versaillais bouclant la ville au nord, au sud et à l’ouest, de Saint-Denis à Villeneuve-Saint-Georges.»*
Mac-Mahon fait acheminer 300 canons lourds et 250 000 obus de gros calibre. « 140 000 projectiles seront utilisés pour assurer la progression des troupes jusqu’aux remparts.»*
En face de l’armée versaillaise, les bataillons fédérés de Jaroslaw Dombrowski résistèrent trois semaines, sans recevoir les renforts nécessaires d’artillerie.
A partir du 25 avril, 80 canons versaillais pilonnèrent les forts de Vanves et d’Issy -le 8 mai, les Fédérés abandonnaient le Fort d’Issy, tandis que le Fort de Vanves tenait avec Wroblewski jusqu’au 14 mai.
Puis les portes de La Muette, d’Auteuil et de Saint-Cloud furent sous le feu des canons, toutefois les Fédérés arrivèrent encore à se maintenir jusqu’au 20 mai .

           Le dimanche 21 mai 1871, Mac-Mahon au Mont- Valérien, « observant à la lunette, la porte de Saint-Cloud, put apercevoir « des pantalons rouges »  sur le glacis des fortifications »*. Les Lignards entrèrent dans Paris avec pour unique mot d’ordre « pas de quartier». Ce sera la Semaine sanglante.
La férocité de l’armée de Thiers et de Mac-Mahon fit de la bataille de rue une résistance aussi acharnée que désespérée.
Les barricades érigées dans la précipitation étaient la preuve que l’on voulait défendre, jusqu’à la mort la Commune, « pour ce qu’elle représentait en tant qu’avenir, en tant que potentialité de fraternité humaine et de justice sociale.»*

           L’État-major versaillais s’installa le 23 mai sur la Butte Montmartre, et les massacres de masse commencèrent : « hommes, femmes, enfants « ramassés eu hasard », dans le cimetière Montmartre, aux Batignolles, au Parc Monceau, et se poursuivront les jours suivants à un rythme soutenu.»*  Dans la soirée du 23 mai, l’armée versaillaise tient la moitié de Paris.

              Le 24 mai, des Fédérés défendent avec Brunel la barricade de la porte Saint-Denis et celle de la rue Chabrol. Sur la rive gauche, Fédérés et civils ont aussi deux braves à leur tête :  Eugène Varlin et Maxime Lisbonne, mais le secteur du Panthéon est à son tour perdu. Les massacres continuent :  chaque passant était suspect, ressemblait à un membre de la Commune, avait les cheveux gris donc avait été  insurgé en 1848, ou bien c’était « une femme  mal vêtue ou aux effets en désordre, donc une pétroleuse ;   à chaque fois, c’était un arrêt de mort »*…

         
    Le 25 mai, les Versaillais, avec les canons de Montmartre couvrent d’obus les quartiers de La Chapelle, La Villette et les Buttes- Chaumont. Ce jour-là, un gamin de Paris, sur une barricade du Faubourg du Temple entra dans la légende. ** Partout le carnage continue.

               Le 26 mai, six heures durant, la Place de la Bastille résiste et ne tombe qu’à deux heures de l’après-midi. Pour ajouter encore de l’ignoble à la boucherie, Mac-Mahon demande à la troupe  des 5000 Bavarois d’arrêter les fugitifs.

                Le 27 mai,  les Buttes-Chaumont sont prises. Les exécutions se succèdent dans les carrières d’Amérique.
« Deux cents Fédérés se  sont enfermés au Père- Lachaise.  L’artillerie versaillaise pilonne le cimetière parisien pour faire taire les canons de la Commune. Aux environs de six heures, la grande porte du cimetière cède sous un obus. Cette nuit-là, 157 Fédérés seront poussés vers le mur du cimetière et abattus »*.
Et ce sera le repli sur Belleville pour les Communards avec RanvierVarlin JourdeFerré – et Trinquet, autour de la mairie du XX ème,« dernière citadelle de la Commune ». A cinq heures du matin, le  28 mai 1871, les Versaillais occupent la barricade de la rue Rebéval et à huit heures la mairie est occupée.*

   Ce dimanche de Pentecôte fut, par la grâce du très catholique maréchal de Mac-Mahon, un jour béni pour  les massacreurs :      300 tués à La  Madeleine – 800 au Panthéon ; on tue dans les ambulances les blessés, les médecins qui les soignent, une mère allaitant son enfant … *

            Eugène Varlin s’était battu jusqu’au bout à Belleville. Épuisé, vers le milieu de l’après-midi,  il s’est assis sur un banc, rue La Fayette. Un prêtre, à la terrasse d’un café, le reconnaît et le signale au lieutenant Sicre qui le conduit « après lui avoir fait lier solidement les mains derrière le dos avec une courroie, sous bonne escorte,  au général de Laveaucoupet, aux buttes Montmartre.» ***
Varlin reçoit les crachats de la foule, les coups de crosse et de baïonnette des Lignards sans broncher. « Sous la grêle des coups, sa jeune tête méditative qui n’avait jamais eu que des pensées fraternelles devint un hâchis de chairs, l’œil droit pendant hors de l’orbite.»
On adosse Varlin contre un mur à un angle de la rue de la Bonne et de la rue des Rosiers. « Le condamné se tenait très droit. Toute son attitude était celle d’un homme brave. Il crie : «Vive la Commune !   Vive la République ! » Les soldats ne sont qu’à trois ou quatre pas de Varlin. Les deux fusils ratent. Ils rechargent leurs armes et tirent une seconde fois. Varlin lance son dernier « Vive la Commune ! »  On n’entend pas la dernière syllabe, il fléchit et tombe.»****
Quant au lieutenant Sicre, il fit les poches du mort et lui vola sa montre en argent, offerte par les ouvriers relieurs de Paris – après la grève d’août 1864 – et gravée par son ami Antoine Bourdon « A Eugène Varlin, souvenir de ses camarades».

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                                         Épilogue

Le lundi 29 mai 1871, Adolphe Thiers écrit sa lettre aux préfets  :

 Le sol est jonché de leurs cadavres. Ce spectacle affreux servira de leçon ».    

Il assista en l’église Saint-Louis, avec les membres de l’Assemblée de Versailles, devant les généraux en grand uniforme, à l’homélie haineuse de l’évêque Mabille qui le bénit pour son courage (sic).*

Adolphe Thiers passa l’après-midi à Paris avec Mac-Mahon. Ces deux vieillards sanglants deviendront les deux premiers présidents de la Troisième République.

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* La grande histoire de la Commune Georges Soria  Édition du centenaire 1871-1971 / Robert Laffont pour le Livre Club Diderot

** Poème de Victor Hugo Juin 1871 

*** Rapport de Sicre au colonel du 67 ème de ligne
**** Témoignage du général Percin, alors capitaine d’artillerie dont la batterie était sur la butte Montmartre. Cité par Lissagaray

Eugène Varlin Militant ouvrier, révolutionnaire et Communard Jean Bruhat / Éditeurs Français Réunis pour le Livre Club Diderot