Léopold S. Senghor  » Chant de printemps « 

 

         Chant de printemps pour une jeune fille noire au talon rose           

 

Des chants d’oiseaux montent lavés dans le ciel primitif
L’odeur verte de l’herbe monte, Avril !
J’entends le souffle de l’aurore émouvant les nuages
     blancs de mes rideaux
J’entends la chanson du soleil sur mes volets mélo-
     dieux
Je sens comme une haleine et le souvenir de Naëtt sur
     ma nuque nue qui s’émeut
Et mon sang complice malgré moi chuchote dans mes
     veines.
C’est toi mon amie – Ô ! Ecoute les souffles déjà chauds
     dans l’avril d’un autre continent
Oh ! écoute quand glissent glacées d’azur les ailes des
     hirondelles migratrices
Ecoute le bruissement blanc et noir des cigognes à
     l’extrême de leurs voiles déployées
Ecoute le message du printemps d’un autre âge d’un
     autre continent
Ecoute le message de l’Afrique lointaine et le chant de
     ton sang !
J’écoute la sève d’avril qui dans tes veines chante.

(…)

Je t’ai dit ;
–   Ecoute le silence sous les colères flamboyantes
La voix de l’Afrique planant au-dessus de la rage des
    canons longs
La voix de ton coeur de ton sang, écoute-la sous le
    délire de ta tête de tes cris.
Est-ce sa faute si Dieu lui a demandé les prémices de
   ses  moissons
Les plus beaux épis et les plus beaux corps élus patiem-
    ment parmi mille peuples ?
Est-ce sa faute si Dieu fait de ses fils les verges à
    châtier la superbe des nations ?
Ecoute sa voix bleue dans l’air lavé de haine, vois le
    sacrificateur verser les libations au pied du tumulus.
Elle proclame le grand émoi qui fait trembler les corps
    aux souffles chauds d’Avril
Elle proclame l’attente amoureuse du renouveau dans
    la fièvre de ce printemps
La vie qui fait vagir deux enfants nouveau-nés au bord
    d’un tombeau cave.
Elle dit ton baiser plus fort que la haine et la mort.
Je vois au fond de tes yeux troubles la lumière étale
    de l’Eté
Je respire entre tes collines l’ivresse douce des mois-
    sons.
Ah ! cette rosée de lumière aux ailes frémissantes de
    tes narines !
Et ta bouche est comme un bourgeon qui se gonfle au
    soleil
Et comme une rose couleur de vin vieux qui va s’épa-
    nouir au chant de tes lèvres.
Ecoute le message, mon amie sombre au talon rose.
J’entends ton coeur d’ambre qui germe dans le silence
    et le Printemps..

Paris, avril 1944

        ****  Afrique – 50 ans d’indépendance  (Arte.tv) ****            

Stéphane Guillon, le vrai petit bobu tout craché !

                    

Je n’avais pas écouté France Inter ce matin du 13 avril 2010 … mais il y a une séance de rattrapage vidéo de «  l’humeur » du jour  de M. Stéphane Guillon  sur le site de cette radio.

On connaît la  cruelle prédilection de M. Guillon  pour les critiques sur l’apparence physique des personnes, ce qui ne me semble pas être une preuve d’humour ni de  finesse d’esprit… mais c’est son style, et les rieurs sont de son côté, tant cela doit soulager d’être méchants par procuration.

Ce matin-là, M. Guillon, au mieux de sa forme, c’est-à-dire au comble de l’excitation, avait choisi de  » faire rire  »  non plus sur  l’apparence du Président de la République, mais sur sa mort, et racontait, se trémoussant sur son siège, agitant frénétiquement les bras, son rêve (sic) du «  crash de N. Sarkozy « .

On avait eu le rappeur qui  » mettait un billet sur la tête d’Eric Zemmour  » ;  là on avait  » l’humoriste  » qui  nous annonçait que l’avion présidentiel  s’était crashé,  et décrivait dans une tirade réjouie, la cérémonie officielle autour du  » cercueil d’enfant  » (sic) .
Comme rien ne l’arrête, et qu’il avait mis dans l’avion crashé tous ceux qu’il soigne, il eut une délicatesse  particulière pour M. Eric Besson et l’Association de défense des fouines.

Bref, de bon matin,  un Stéphane Guillon arrogant, surexcité et gesticulant de façon compulsive comme à son habitude, et forcément fier* de lui ! Le vrai petit bobo bobu tout craché !

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 * Chez nous à la campagne, on dit  « excité comme une puce » et «  fier comme un pou ».  Dans le Littré on trouve : «  Il se carre comme un pou sur une gale ». C’est méchant aussi 😉

 voir Les bobos et les bobus       Petit concours anti-bobu        Ou comment être bobu(e)

 Le Petit Bobu franco-anglais

Tremblay-en-France la courageuse

         

Saluons avec fraternité, les habitant(e)s et  la municipalité de TremblayenFrance  (Seine-Saint-Denis) qui ont réagi courageusement face à l’image désastreuse que leur infligent les trafiquants de  drogue, face aux caillassages et incendies de bus qui se succèdent, comme autant de représailles et d’intimidations que leur font subir les bandes inféodées  aux chefs mafieux arrêtés.

Une lettre ouverte au Président de la République pour dire NON à la violence est proposée à la signature des habitants citoyens de Tremblay.

         

Paris, samedi 4 mai 1968


       
    Dans le journal Le Monde du samedi 4 mai 1968, dans son billet Au jour le jour, Robert Escarpit sous le titre La faute à Voltaire ? rédigeait une note à la lucidité aiguë :

   »  Ils ont fermé Nanterre, est-ce la faute à Voltaire ? Dans la mesure où le nom de Voltaire symbolise ici – bien imparfaitement d’ailleurs – une certaine forme de la contestation révolutionnaire et du  » mauvais esprit  » politique, il semble qu’on doive le mettre hors de cause.
    Rien n’est moins révolutionnaire, rien n’est plus conformiste que la pseudo-colère d’un casseur de carreaux, même s’il habille sa mandarinoclastie d’un langage marxiste ou situationniste.
    A vrai dire, ce sont les jeunes gens en colère qui font les meilleurs mandarins. Les autres qui veulent vraiment changer l’état des choses et bouleverser la règle du jeu, ont besoin de tout leur sang-froid et de toute leur énergie, surtout s’ils doivent continuer à désirer le changement.
    Lorsque dans dix ou vingt ans, M. Daniel Cohn-Bendit et ses amis seront doyens, recteurs, ministres ou l’équivalent sous quelque autre nom, je leur souhaite d’affronter la révolte de leurs propres étudiants avec autant de modération qu’on en fait preuve à leur égard, aujourd’hui, à Nanterre. »
           Le regard des sociologues P. Bourdieu et J.C. Passeron sur les étudiants parisiens était tout aussi aigu…

 

   C’était juste avant 1968…  P. Bourdieu et J-C. Passeron  faisaient paraître Les Héritiers – les étudiants et la culture en 1964 aux Editions de Minuit.

Pour l’année scolaire 1961-1962, les statistiques de  l’INSEE sur l’origine sociale des étudiant(e)s avaient indiqué que pour 18% de filles et fils de salariés agricoles, d’agriculteurs, de personnel de service, d’ouvriers et d’employés, il y avait 82% de fils et filles de patrons de l’industrie et du commerce, de cadres moyens, de professions libérales et de cadres supérieurs –  82% d’étudiant(e)s  d’origine bourgeoise.

  Le chapitre 2  Jeu sérieux et jeux du sérieux éclaire les choix politiques des étudiants parisiens juste avant 1968.
Lisons à la page 69 ce qui fit leur particularisme politique en ce mois de mai 1968 pour mieux comprendre comment des fils et  des filles de bourgeois  jouèrent aux communards, sachant – et heureux de savoir-  qu’ils ne seraient pas dans la ligne de mire d’un  M. Thiers, protégés qu’ils étaient par la proximité du pouvoir de leurs pères, qu’ils ou elles rejoindraient bientôt. 

   » Faut-il s’étonner si les étudiants en lettres de Paris présentent une image idéal-typique, c’est-à-dire à la fois accomplie et caricaturale, de l’étudiant comme novice intellectuel, tenu de faire ses preuves d’intellectuel autonome, en s’exerçant au jeu qui fait de l’art de décevoir les attentes le mode privilégié de l’exercice de la liberté individuelle ?

 (…) bien que l’Université de Paris compte la proportion la plus forte d’étudiants d’origine bourgeoise, la part des étudiants qui se disent à gauche y est plus forte qu’en province, où les opinions politiques de gauche sont très fortement liées à l’appartenance aux classes défavorisées. C’est encore à Paris que la part des étudiants qui, se disant de gauche, refusent de se reconnaître dans un parti de gauche est la plus forte ; et ceux qui, pour se définir politiquement, éprouvent le besoin de se forger des étiquettes originales, telles que  » trotzkisme rénové « ,  » anarchisme constructif « ,  » néo-communisme révolutionnaire « , sont parisiens pour les deux-tiers.

Plus généralement (…) les étudiants parisiens sont et se veulent en rupture, s’ils s’engagent et entendent s’engager à contre-courant et à contre-pente, obéissant au conformisme de l’anti-conformisme, c’est que les valeurs de dilettantisme et de désinvolture que les étudiants bourgeois importent dans le milieu étudiant et qui s’imposent, surtout à Paris, à l’ensemble du milieu étudiant, sont en affinité avec les valeurs qui entrent dans l’idéal intellectuel de l’intelligence sans attache et sans racine.  »

… et (re)naissait en ce printemps 1968 , l’idéologie  gauchisante … des rejetons de la vieille droite…

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