Les paradoxes du sociologue et du recteur

                 

Malgré son extrême prudence Fahrad Khosrokhavar* nous le confirme :  » la burqa  n’a aucun ancrage dans les communautés musulmanes de la France où l’écrasante majorité est d’origine nord-africaine.  »
Voilà un consensus immédiat puisque dans l’histoire de France, le port d’un voile qui dissimulerait les cheveux et la beauté des femmes pour des raisons religieuses n’a absolument aucun ancrage. Mais à la question de Laura :  » Etes-vous pour ou contre la burqa ?  »  F. Kosrokhavar répond par une habile esquive :  » Un simple foulard  me semble correspondre aux exigences de la loi religieuse dans une interprétation orthodoxe. » 

Il exprime ainsi sa demande  de  » reconnaissance conditionnelle du foulard  » par la République, en l’appuyant de son opposition à une loi sur la burqa. Autrement dit, le voile sous toutes ses formes deviendrait un piège, puisque cédant une première fois aux injonctions d’une loi religieuse fondamentaliste, la République laïque n’aurait plus par la suite qu’à subir la loi salafiste de la burqa. Le sociologue en oublie même qu’en France le président ne jure pas sur une bible et il nous cite (comme exemple ?) une conseillère aux affaires religieuses (sic) de Barack Obama portant un foulard à la Maison Blanche.

Son argumentation  paradoxale agite la menace de représailles : soit la République reste muette et sans loi devant la charia islamiste de la burqa  -alors  que  »  l’expansion de la burqa n’est pas  totalement autonome  de celles des groupes fondamentalistes « – soit  la société française risque de subir à nouveau  » les formes extrêmes de fondamentalisme … des formes insoupçonnées de fondamentalisme… de ces groupes de néosalafistes [qui] ont renoncé, du moins jusqu’à nouvel ordre,  à la violence dans la lutte contre les démocraties européennes.  »  Ainsi,  non seulement les terroristes d’hier et d’aujourd’hui  prendraient les femmes musulmanes en otages pour assurer leur ascension politique, mais il faudrait que notre société républicaine se laisse bâillonner par la menace de représailles !

Et le sociologue persiste qui affirme :  » l’argument d’une autorité religieuse dénonçant la burqa me semble plus dangereux que la burqa elle-même, parce qu’elle enfermerait le musulman  dans un rapport de soumission à une autorité religieuse  » ,  comme si  la burqa n’était pas une soumission dangereuse de la musulmane à une autorité religieuse.
D’autant plus qu’ il suggère  que ce soit justement des musulmanes,  celles qu’il appelle des «  républicaines en foulard [qui] puissent s’opposer à celles qui portent la burqa.  »    Pourquoi l’opposition républicaine à la burqa des musulmanes laïques  sans foulard  et des  musulmans laïques  est-elle  ignorée du sociologue  ?
 Mécontent   Faut-il penser que les chefs religieux **ne sont pas  » républicains « ,  qu’ils ont moins de courage que les laïques pour s’opposer à la burqa  ?  …  ou  pire encore que ce sont eux qui soufflent sur les braises ?          
                 

 Le sociologue démontre ainsi le paradoxe des responsables religieux quand ils nous accusent d’islamophobie  croissante  alors que c’est leur inertie croissante  qui laisse  le champ libre aux extrémistes intégristes endoctrinant les jeunes, les femmes, forces vives de  notre société  – ils s’en font ainsi leurs complices et ils le savent. 

             ____________________
Notre anti-islamo-intégrisme décroîtra en fonction de leur courage à dénoncer l’intégrisme, en fonction de leur  respect des droits à l’identité et à l’égalité citoyennes des femmes musulmanes sur le territoire français.
En  nous prouvant qu’ils sont républicains, les responsables musulmans
quitteront enfin leur position paradoxale, pour permettre l’intégration, en toute loyauté, des musulman(e)s  dans la laïcité républicaine.    

 _________________________________            

 * » chat  » débat en direct de Fahrad Khosrokhavar, sociologue, directeur d’études à l’EHESS /propos en italique / Lemonde.fr 21.10.09

** Betoula Fekkar-Lambiotte (La double présence Seuil 2008) a démissionné du CFCM en février 2003 parce qu’elle refusait de voir la majorité laïque des musulmans de France  » représentée  » par les obscurantistes de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) / Marianne 26.03.07
 
                             NB             28 octobre 2009  

Lors de son audition devant la commission parlementaire * sur la burqa présidée par André Gérin, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur a fait également usage du paradoxe pour son argumentation. Au motif de l’absence de vigilance du gouvernement français face à  » la montée du fondamentalisme « ,  il a déclaré  qu’il était «  trop tard  » pour lutter contre le voile intégral. Ce serait la conséquence de   » l’aboulie** générale  » de la société française. 

Etait-il  trop tard  le 15 mars 2004 quand, sous le gouvernement Raffarin avec François Fillon comme  ministre de l’Education nationale, une loi  fut promulguée  interdisant «  en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, [pour marquer] la volonté très largement partagée de réaffirmer l’importance de ce principe indissociable des valeurs d’égalité et de respect de l’autre. « 
Il n’était pas trop tard en 2004 et le gouvernement français n’a pas été aboulique puisqu’il a réaffirmé sa volonté.

Etait-il  trop tard  en 2007 pour que Dalil Boubakeur affiche sa volonté de  » construire un islam de France « ,  défende le droit à la liberté d’expression, et s’oppose aux fondamentalistes du CFCM et de l’UOIF ? Il n’était pas trop tard et pourtant il s’est  joint à eux dans leur procès perdu contre Charlie Hebdo.

         Cher M. Boubakeur, c’est vous qui ne voulez pas affronter les fondamentalistes, vous parlez de traiter  le port de la burqa  » au cas par cas « . Avez-vous imaginé ce que cela signifie ? Comment ces femmes se rendront-elles seules, librement à l’entretien ?  Elles ne peuvent ni passer le permis ni conduire. Elles voient mal, entendent mal et on les entend mal. Elles refuseront d’enlever leur burqa parce que leurs imams salafistes le leur auront interdit. Elles ne pourront pas prouver leur identité. On ne pourra pas savoir si elles souffrent, si elles sont maltraitées voire droguées ou terrorisées. etc. et ce sera le retour à la case fondamentaliste, les extrémistes auront juste encore gagné du temps. 
 Dernier paradoxe, vous parlez d’une   » loi de sécurité publique  » – comme celle sur le port de la cagoule pour les truands et les émeutiers. S’il est vrai que les terroristes islamistes, en obligeant les femmes à porter la burqa,  se donnent le moyen criminel en  se cachant eux-mêmes sous des burqas, de transporter des  armes, des ceintures d’explosifs, de la  drogue etc., serait-il trop tard aussi pour vous,  de reconnaître qu’elle ne sont que les innocentes  victimes du fondamentalisme, et non les coupables ?

 Il n’est pas trop tard pour la loi républicaine parce qu’elle éclaire l’avenir, parce qu’elle peut rétablir à chaque fois qu’il est violé, le droit des femmes à vivre en France égales aux hommes, sans marquage religieux sexiste, infâmant et invalidant. L’Assemblée nationale et le gouvernement Fillon  auront la volonté de légiférer à nouveau pour qu’aucune religion ne vienne en France faire la loi, pour que les musulmanes comme les autres, aient le droit à l’identité citoyenne et le devoir de respecter  l’égalité laïque.

 » La bête immonde est toujours féconde « , elle a pris la forme du fondamentalisme et de l’intégrisme islamistes. Il n’est pas trop tard pour la vaincre. 

            ___________________

* Lemonde.fr et AFP
** perte de la volonté  (Grand Robert de la langue française)
Cette note ainsi que  la précédente, L’égalité citoyenne sans le voile et sans la burqa, ont été envoyées à M. André Gérin, député PCF du Rhône et président de la commission parlementaire sur la burqa.         

Les commentaires sont clos.